Gare au poisson vénéneux

Gare au poisson vénéneux

Consommez-vous régulièrement du poisson ? Allez, avouez-le sans fard : pas souvent, sauf si vous habitez un port de pêche. Moins de deux fois par semaine, en tout cas, si vous faites partie de la majorité nationale. Vous renoncez ainsi à une dose bienfaisante d’oméga 3, ces acides gras qui préviennent les maladies cardio-vasculaires et vous façonnent un cerveau à la Einstein. Si en plus vous n’aimez pas les épinards, ne soyez pas surpris de trimballer une musculature de coq de bruyère sous une cervelle de paishiroc (le moineau, en gascon du Bazadais). Certes, les familiers du déjeuner au restaurant sont souvent adeptes de la sole grillée, histoire de tempérer leur mauvaise conscience et leurs excédents de cholestérol. Mais ce n’est pas un bon plan : l’alpha et l’oméga(3) de la diététique, c’est le poisson gras. Pas la sole aristocratique mais rachitique, qui en plus ne nourrit pas son homme et déclenche une envie irrésistible de chamallows dès le milieu de l’après-midi. Le salut réside dans la sardine, le maquereau ou le hareng, diablement prolétariens mais tellement utiles à notre espèce intelligente. La preuve : c’est en recevant un chalutier sur la tête que Newton inventa la recette du hareng-pomme-à-l’huile. Merci Isaac.

Pour autant, il ne faut pas croire qu’il suffit de se gaver de poisson pour devenir un petit génie et approcher la longévité de Mathusalem. L’Agence nationale de sécurité alimentaire vient de mettre en garde contre une interprétation intégriste du régime poisson : la prudence commande de ne pas en consommer plus de deux fois par semaine. Et les femmes enceintes ont intérêt à le squeezer totalement – ce pourquoi la duchesse de Cambridge a dû renoncer au fish and chips. Pauvre Kate. Vous songez peut-être aux dangers de l’espadon, qui nettoie la Méditerranée de ses métaux lourds, ou à ceux du saumon d’élevage, qui bouffe plus d’antibiotiques qu’un tuberculeux. Eh bien, vous n’y êtes pas du tout. Ce sont bien les espèces sauvages qui sont dangereuses : du fait qu’elles « vivent en contact permanent avec l’environnement, les aliments qui en sont issus sont susceptibles d’être contaminés par des substances chimiques mais également par des micro-organismes ». Vous voilà prévenu : tout ce qui vit au contact de la nature constitue un risque alimentaire majeur. Ingérez cinq fruits et légumes par jour et vous serez exposé à toutes les maladies de la création – sauf s’ils sont produits en laboratoire, bien entendu. Mieux vaut donc désormais bannir de vos menus veaux, vaches, cochons et couvées. Bon, on vous laisse ; il est temps de se rendre à l’hosto pour prendre notre comprimé du petit-déjeuner. Avec un grand verre d’eau distillée. Santé !

La recette du jour

Pilule gastronomique

Vous rêvez depuis toujours de devenir un chef étoilé, afin de flatter les papilles de vos contemporains et gagner la reconnaissance de vos banquiers. N’y pensez plus : les restaurateurs seront bientôt traînés devant les tribunaux pour homicide volontaire. Car manger les produits de la nature est suicidaire. Montez plutôt un labo pharmaceutique et fabriquez des menus en gélules. Vous ferez une fortune pasteurisée.

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