L'Européen en croissance

L’Européen en croissance

Voilà au moins une bonne nouvelle : la croissance se poursuit avec constance. Non, pas celle de l’économie, encore que les statistiques récentes laissent entrevoir quelques frémissements. On veut parler de la croissance du sapiens, de la taille moyenne des individus de notre espèce. Tout particulièrement les Européens, qui se sont allongés de 11 cm en un siècle – sur trois générations environ. Il semble que les pays du Nord soient plus propices à la pousse : le Danois moyen mesure 182 cm, contre 175 cm pour l’Espagnol. Apparemment, l’ensoleillement aurait plutôt pour effet de ratatiner les hominidés. C’est un économiste de l’Université d’Essex qui a compilé les stats disponibles sur les recrues du service militaire, et ainsi observé que la taille moyenne évolue de façon irrégulière et pour des raisons difficiles à identifier. Par exemple, la période des deux guerres mondiales et la crise de 1929 ont singulièrement étiré l’Européen du Nord, alors que les Trente glorieuses ont marqué une accalmie de sa croissance. Au contraire, le Français a profité de cette longue période de paix, de prospérité et de bonne chère, pour rattraper le peloton et gagner 1,16 cm par décennie. Mais il s’est maintenant calmé : il n’a pris qu’un petit centimètre sur les 30 dernières années. Voilà ce qu’il en coûte de revenir au rutabaga de l’Occupation, sous prétexte de soigner sa ligne.

On ne peut guère préjuger de l’évolution de la taille de notre espèce. Si la tendance des cent dernières années devait perdurer, nos arrière-petits-enfants seraient tous promis à une carrière de basketteur, ou condamnés à grossir des colonies entières de grands dépendeurs d’andouilles. En tout cas, l’Homme ne cesse de grandir – sauf en sagesse. Et cette caractéristique est extrêmement prometteuse pour le devenir de l’économie : il faudra davantage de nourriture à ces grandes carcasses, davantage de textile pour les vêtir et davantage d’espace pour les loger. Pour ne pas risquer de se cogner au plafond, il faudra raser toutes les constructions du demi-siècle écoulé ; il faudra reconfigurer la literie, revoir les plans des bagnoles et rééquiper complètement les avions de ligne. Car les compagnies en sont restées aux normes en vigueur lors de la naissance de l’aviation, à l’ère néolithique, si l’on en juge à l’espace rikiki offert au voyageur de la classe touriste. Heureusement, tout cela va changer. Dans une centaine d’années, quand la croissance produira ses effets. Un peu de patience.

La recette du jour

Croissance par dépression

Vous souhaitez que votre descendance dépasse votre propre taille, que vous jugez médiocre. Ce sera normalement le cas : la tendance est à la hausse. Si vous êtes impatient, scolarisez vos enfants au Danemark, propice au gabarit de Viking. Sinon, attendez que le crise en cours empire : une bonne dépression serait favorable à l’élongation.

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