Le bourgogne en bitcoins

Et vous dites qu’il n’y a plus d’inflation ? On voit bien que vous n’avez pas participé, hier, à la vente des Hospices de Beaune : le millésime 2013 s’est vendu presque 30% plus cher que le précédent, lequel avait déjà atteint des sommets. Résultat : en deux ans, le prix des nectars bourguignons a quasiment doublé. Plus question d’accompagner, au petit-déjeuner, sa brochette d’ortolans d’un rafraîchissant meursault 1er cru : un tel menu devient totalement ruineux, et pas seulement pour la santé. De toute façon, les flacons de bourgogne les plus prestigieux deviennent quasiment introuvables sur notre territoire ; ils sont raflés par les gagnants du Loto, le solde étant attribué aux nouveaux riches chinois et aux banquiers américains. Vivement que le réchauffement en cours répande les climats bourguignons jusqu’aux confins de la Sibérie, pour que l’on puisse de nouveau siroter ces petites merveilles sans être obligé de se priver des vacances de ski à Gstaad. Où l’on a coutume de taper le carton avec un familier des lieux : le Prince Victor-Emmanuel de Savoie, qui devrait être rétabli sur le trône d’Italie dès que la République aura achevé son agonie. Et dont le fils unique Emmanuel-Philibert est aussi l’époux de Clotilde Courau, actrice et brièvement meneuse de revue au Crazy Horse, celle-là même qui a parrainé la fameuse vente de charité des Hospices. Voyez comme le monde est petit.

C’est donc une businesswoman chinoise qui a enlevé la pièce de meursault-genevrières, pour un montant qui amène le prix du flacon à 227,43€, hors frais d’élevage et de mise en bouteille. Pas donné. Sauf si l’intéressée avait préalablement converti ses yuans en bitcoins, cette monnaie électronique dont la vigueur est plus spectaculaire que celle de l’euro. Elle s’échangeait à un peu plus de 4 dollars américains au début 2011 ; elle vient maintenant de passer le cap des… 500$. L’expérience est très intéressante du point de vue de la théorie monétaire, et préoccupe un tantinet les banques centrales, qui ont le monopole d’émission de la monnaie. Bien que la masse de bitcoins en circulation soit microscopique par rapport à celle des dollars et qu’elle le demeurera – sa production étant statutairement décroissante en fonction du temps. Cette monnaie à la mode subira-t-elle le même sort que le bulbe de tulipe hollandais au milieu du XVIIème siècle ? On le saura bientôt. Mais il est probable que dans dix ans, le meursault 2013 cotera davantage que le bitcoin du même millésime. Et quand bien même les cours du bourgogne finiraient-ils par s’assagir, le plaisir de le boire devrait rester intact. Ça n’a pas de prix.

La recette du jour

Meursault flamand

Vous êtes agriculteur dans les Flandres et vous pestez contre la modicité du cours de la pomme de terre. Renoncez à la bintje et couvrez vos terres de plants de pinot noir et de chardonnay. Avec le réchauffement climatique, le Nord de demain est promis à devenir la Bourgogne d’aujourd’hui. Et l’Antarctique sera le premier producteur de patates de glace.