La brand value et le (...)

La brand value et le schmilblick

A quoi mesure-t-on la popularité d’un Etat auprès de l’opinion mondiale ? Vous avez sans doute votre idée sur la question : il y a de multiples facteurs qui rendent une nation sympathique ou patibulaire. De multiples signes particuliers qui s’étagent entre le fonctionnement de ses institutions et la splendeur de ses plages, entre le prestige de ses dirigeants et la richesse de sa gastronomie. Mais tout cela est essentiellement subjectif et ne convient pas à notre époque éprise de quantitatif. Ce pourquoi un cabinet de publicité britannique, ordinairement occupé à vanter les vertus des sodas et des lessives, a inventé un concept propre à doper ses honoraires : la « marque pays ». Et ces fils de pub établissent la « brand value », c’est-à-dire le prix que devrait payer un opérateur désireux d’exploiter pour son propre compte cette « marque pays ». Sachez le : la « marque France » vaut 1.938 milliards de dollars. C’est plus cher que la Turquie (688 mds) et beaucoup plus cher que le Qatar (184 mds) – mais il est vrai que nous sommes beaucoup plus sympas. Heureusement, personne n’ambitionne d’acheter la marque France : sa cession ne couvrirait que les deux-tiers de la dette nationale. A quoi donc servent ces calculs ésotériques ? Fastoche : à constituer un GIE chargé d’améliorer notre brand value. C’est-à-dire à dépenser des fonds publics pour faire monter le schmilblick.

On comprend mieux pourquoi le ministère du Commerce extérieur a finalement été rattaché à celui des Affaires étrangères. Le Quai d’Orsay forme désormais ses personnels dans les écoles de Commerce ; ils ne sont plus diplomates mais VRP. Voilà pourquoi vous ne comprenez plus rien à la politique étrangère de notre pays : elle fluctue au gré des grands contrats. Qu’il nous achète deux Mistral et nous sommes copains comme cochons avec Poutine ; qu’il nous empêche de lui piquer sa Crimée et il devient un ennemi juré. Désormais, le ministre des Affaites étrangères passe son temps à trimballer sa mallette d’échantillons et à exhiber sa brand value dans les capitales étrangères. C’est plutôt impudique et, avouons-le, assez vulgaire. Mais enfin, cela simplifie la vie des chancelleries : il suffit de nous acheter des Airbus, du roquefort ou du nougat de Montélimar pour devenir un ami de la France. Et celui qui commandera quelques brassées de Rafale deviendra un grand ami de notre pays. Un pas devrait bientôt être franchi dans notre stratégie géopolitique : transformer nos ambassades en supermarchés. Pour rentabiliser notre confortable brand value.

La recette du jour

Carrières du commerce

Vous avez le sentiment d’avoir bloqué votre carrière en devenant chef de rayon d’un supermarché. Que nenni : votre expérience est précieuse. Vous avez maintenant le profil pour devenir ministre des Affaires étrangères. Un tremplin efficace pour publier un traité de géopolitique et briguer la présidence de la République.

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