La révolution permanente

La révolution permanente

Notre pays est plein de ressources. En son temps, il organisa une Révolution pour lutter contre une terrible pénurie de brioche. Avec moult feux d’artifices, défilés de sans-culottes – les ancêtres des Femen – et guillotinages publics. Une sacrée nouba. On continue aujourd’hui de célébrer cette initiative glorieuse, qui a permis à d’autres catégories sociales de faire un max de blé et de prendre de la brioche. Une nouvelle aristocratie est née, conformément au premier principe de la thermodynamique démocratique : à chacun son tour pour la galette. Cette méthode révolutionnaire se perpétue mais dans une version bourgeoise popote : désormais, c’est le Président de la République qui annonce, le 14 juillet, tous les bienfaits qui vont pleuvoir sur le peuple dès que les lampions seront éteints. Si bien qu’avant la fin de l’année, nos fleuves commenceront à charrier du gigot d’agnelet et du Lafite 61, les deux mamelles du bien-vivre à la française. Pour preuve, la longévité de ses habitants est exceptionnelle : il aura fallu un malheureux accident pour venir à bout de la doyenne des Français, terrassée par un couac de bal musette dans sa 112ème année.

On devrait exporter notre élixir de longue vie, pour contrarier la mesquinerie des Agences de notation qui dégradent notre note souveraine. Les Suisses n’hésitent pas, eux, à exploiter sans vergogne leurs avantages comparatifs. Ceux de leurs banquiers, qui immunisent les capitaux contre la malignité des tumeurs fiscales. Ou ceux de leurs médecins, qui font commerce de cures de jouvence et de restauration de la libido. Par des moyens qui révolutionnent la science acquise en matière de crédulité publique. De riches Chinois viennent acquérir sur les rives du Leman de coûteux espoirs de longévité et de prouesses amoureuses, lesquelles supplanteraient celles conférées par la corne de rhinocéros et par l’aileron de requin. Le traitement consiste en une série d’injections de cellules embryonnaires de mouton, supposées avoir le même effet qu’un tigre dans le moteur. Rien ne garantit que les patients rajeunissent après un tel traitement. Ni qu’ils poursuivent les chambrières de tous les Sofitel de la planète. Mais il est probable que nombre d’entre eux soient exposés à l’encéphalopathie spongiforme. Ce qui les condamne à devenir des Mathusalem au tempérament de bouc et au cerveau en purée de sarrasin. Grâce au Ciel et aux impôts, nous autres Français sommes pauvres : le péril de la médecine suisse nous est donc épargné.

La recette du jour

Le mouton d’or

Vous rêvez depuis toujours d’un élixir de jouvence qui apaise vos obsessions faustiennes. Revenez sur terre et élevez des moutons. Vous vendrez à prix d’or des cellules embryonnaires aux cliniques suisses. Et vous pourrez ainsi accompagner les gigots de grands bordeaux. Vous ne vivrez pas plus vieux, mais il vaut mieux avoir du cholestérol que le cerveau en vrac.

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