Le blaireau anglais (...)

Le blaireau anglais en danger

S’agissant des traditions, les Anglais sont farouchement conservateurs. Au point de rester attachés à la monarchie, bien que la Reine s’obstine à porter des chapeaux attentatoires au mauvais goût prolétarien. Mieux encore : on se souvient du climat prérévolutionnaire qui enflamma Londres en 2004 lorsque Tony Blair, poussé à la faute par l’aile gauche de son parti, fit voter l’interdiction de la chasse au renard, le passe-temps favori du gentleman-farmer british. Oscar Wilde donna de cette chasse à courre une définition cruelle mais judicieuse : « L’innommable à la poursuite de l’immangeable ». Car c’est bien le symbole de l’Angleterre traditionnelle et conservatrice que visait l’interdiction, plus que la protection d’un animal qui pullule Outre-Manche et occasionne pas mal de dégâts. Entre nous, l’espèce du hobereau provincial est beaucoup plus menacée que le goupil anglais. Quoi qu’il en soit, les aristos britanniques ne manquent pas d’ingéniosité. Ni d’humour. Ils perpétuent la traque du renard sous une forme non expressément prohibée par la loi : le trail hunt, consistant à pister l’odeur de la bête. Laquelle réchappe au sort funeste qui lui était autrefois réservé. Sauf quand les chiens lui tombent dessus. Mais la tuerie est alors considérée comme un « accident ».

Seulement voilà : interdisez la chasse et les gentlemen sont confinés à l’ennui. Ainsi, à la Chambre des Lords, leur club très select, une nouvelle discipline sportive aurait été instituée : la traque de l’enveloppe. Mais des journalistes provocateurs ont piégé des parlementaires avec une fausse démarche de lobbying – appellation moderne de la corruption politique. Les Lords ont reniflé l’odeur de l’argent et sont tombés sous les crocs de la meute journalistique – l’innommable poursuivant l’infréquentable. Il en résulte un joli chahut dans l’opinion britannique. Au même moment, enfle la polémique sur l’autorisation de l’abattage des blaireaux. Non, il n’est plus question des élus, que la loi protège bien que l’espèce ne soit pas en danger. Il s’agit des blaireaux à quatre pattes, ces mustélidés bien utiles à l’équilibre écologique mais peu appréciés du monde agricole. D’abord parce qu’ils sont monogames et donnent mauvaise conscience à la gentry campagnarde. Ensuite parce qu’ils seraient compromis dans la transmission de la tuberculose bovine, qui décime les vaches sans les rendre folles. Les citadins s’insurgent contre le génocide projeté. On les comprend : s’il n’y avait plus de blaireaux en Angleterre, ce serait la fin de l’une de ses plus anciennes traditions.

La recette du jour

Rente de situation

C’est le printemps. Procédez à la taille de votre arbre généalogique : vous finirez bien par y découvrir une branche de Plantagenets. Faites alors valoir vos droits auprès de la Couronne d’Angleterre (soudoyez la Reine avec un chapeau ridicule). Dès que vous serez admis à la Chambre des Lords, courtisez les lobbyistes : ce sont des blaireaux, mais ils ont les poches pleines.

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