Le poids des mots

Le poids des mots

Ah, les sujets de philo du bac ! Ce sont les seuls qui font jaser jusqu’au Café du Commerce, les Français étant le peuple le plus philosophe du monde, maintenant que les Grecs consacrent toute leur énergie à racler les fonds de tiroirs. « Que devons-nous à l’Etat ? » ont demandé les examinateurs retors aux candidats de la section économie. Une formulation piégeuse : ceux qui ont compris « combien devons-nous à l’Etat ? », et qui ont discouru sur la plumaison du contribuable par le Code général des impôts, ceux-là seront taxés d’une banane. Quant à identifier les bienfaits dont nous serions redevables à l’Etat, et qui justifieraient que nous lui devions allégeance, voilà qui mérite en effet discussion. Car le discours officiel emprunte désormais au double langage : la défense nationale est mise à la diète alors que notre pays cherche querelle à des contrées improbables, sur des motifs ésotériques ; les services publics de sécurité, d’éducation, de santé et de justice monopolisent prétendument l’attention publique, alors que les budgets y affectés ne cessent de s’étioler. Les transferts sociaux, socle de l’Etat-providence, suivent la même voie alors que les populations s’appauvrissent. Bref, s’il n’est pas raisonnable de tout attendre de l’Etat, il n’est pas plus raisonnable d’espérer moins de lui en contribuant davantage à ses œuvres.

A confondre la communication avec l’action, on finit par accorder trop de poids aux mots et par s’exposer aux contresens. Dans l’affaire dite de l’« exception culturelle », la position française a été qualifiée de « réactionnaire » par Barroso, ce qui a été perçu comme une insulte par l’Elysée et la plupart de nos commentateurs. Sauf le respect que l’on doit à l’un et aux autres, une telle interprétation est complètement fautive. Il s’agit plutôt d’un compliment. S’opposer à un changement qui accélère la yankeesation de nos sociétés, voilà une ambition réactionnaire parfaitement courageuse et totalement honorable. On ne remerciera jamais assez la France d’avoir combattu jusqu’au dernier souffle les canons les plus stupides des évangiles de la Commission européenne. En dépit de sa posture révolutionnaire, cette dernière fait montre d’un passéisme blet en voulant imposer à l’Union le dogme recuit d’un américanisme sur le chemin de la déchéance. En ce 18 juin, voilà qui sonne comme l’Appel à la résistance contre la mondialisation culturelle, cette guerre meurtrière contre l’esprit.

La recette du jour

Brouet culturel sauce américaine

Vous êtes affolé à l’idée d’être filé, surveillé, espionné par les grandes oreilles de l’Oncle Sam. Tout cela est indiscret et vulgaire, mais ne prête pas trop à conséquence. En revanche, ce que vous donne à voir et à entendre l’Amérique est beaucoup plus pernicieux. Priez pour que son brouet hollywoodien ne devienne pas la seule offre culturelle mondialisée.

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