Tir à vue sur les opticien

Tir à vue sur les opticiens

Les magistrats de la Cour des comptes ne sont pas bigleux : il ne leur a pas échappé que les Français supportent des coûts d’optique médicale considérablement plus élevés que leurs voisins européens. Selon la Cour, le marché en question serait « opaque et peu transparent », ce qui est un comble pour des marchands de lunettes. Mais il est vrai que dans une monture ordinaire, l’once de matière plastique se transige au prix de l’or en barre et le carat de verrerie au prix du diamant taillé. Quiconque a la malchance d’être un tant soit peu miro est ainsi obligé de se trimballer avec un coffre-fort sur le nez. Il en résulte que les opticiens se trouvent maintenant dans le collimateur des auditeurs publics, de dame Sécu et des associations de consommateurs, tous suspectant la corporation de se gaver au gras de lorgnon. Au point que notre ministre de la Santé, aveuglée par l’indignation, a menacé de « dé-rembourser » les dépenses d’optique – avant de se raviser. Mais les hostilités sont apparemment ouvertes et les diverses autorités n’ont pas fini de zieuter les comptes des lunettiers.

Evidemment, l’idée de renoncer au remboursement de ces dépenses a fait ricaner dans les chaumières : la Sécu ne prend en charge qu’une part symbolique des frais d’optique (3,6%, en moyenne). Ce sont les mutuelles-santé qui supportent l’essentiel de ces charges (après avoir majoré leurs cotisations en conséquence). Seulement voilà : ces assurances sont complémentaires à la Sécurité sociale. Elles couvrent tout ou partie du ticket modérateur, c’est-à-dire la fraction des dépenses qui n’est pas prise en charge par l’assurance obligatoire. Si la Sécu se retire, il n’y a plus de ticket modérateur. Donc, a priori, plus de remboursement par les mutuelles. Ce ne serait pas le moyen le plus efficace d’alléger l’ardoise du consommateur… Sauf si la réglementation continue d’évoluer, note la Cour. Celle qui autorise désormais les assurances complémentaires à opérer une différenciation de leurs remboursements, selon que les assurés recourent ou non aux « réseaux de soins  » qu’elles contrôlent, au travers de plateformes généralement communes à plusieurs mutuelles. Dont l’efficacité est reconnue en matière de maîtrise des coûts (et de pingrerie salariale), ce pourquoi la prise en charge est alors maximale. Peu à peu, les assurances complémentaires occupent un espace grandissant dans le remboursement des soins. Il n’est pas exclu qu’elles puissent même se substituer totalement à la Sécu dans bien des domaines. Parmi les prestataires de services médicaux, les opticiens ne sont pas les seuls à devoir s’interroger sur leur avenir : les mutuelles promettent de devenir leur principal donneur d’ordres. Et ainsi d’imposer leurs conditions. La privatisation de la Sécu a bel et bien commencé.

La recette du jour

Tourisme sanitaire

Vous étiez myope ; vous êtes maintenant myope, presbyte, astigmate et un peu dur de la feuille : les ans en sont la cause. Vos petits maux vous coûtent un max. Faites-vous prescrire une cure de crevettes à Bangkok (c’est bon pour ce que vous avez) : la CPAM vous prendra en charge. Et quand vous serez sur place, offrez-vous une collection complète de lunettes pour le prix d’un plateau de fruits de mer au Guilvinec.

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