Meurtre du gazon anglais

Meurtre du gazon anglais

Les pharmacies londoniennes ont ouvert plus tôt, ce matin. Afin de délivrer des doses massives d’Alka-Seltzer aux autochtones, qui paient d’une migraine tenace leur nouba de la veille : un Britannique a enfin emporté le titre à Wimbledon. Ce qui ne s’était pas produit depuis 1936, avec la victoire de Fred Perry sur le baron Gottfried von Cramm – l’Allemand qui emportait un morceau de lard dans son sac, pour graisser son cordage aux changements de côté. Une époque héroïque. Ce fut aussi la dernière année de Perry dans la catégorie des Amateurs : son passage dans le circuit professionnel souleva des tempêtes d’indignation dans la bonne société british. Car jouer au Tennis pour de l’argent était alors considéré comme relevant de la plus abominable vulgarité, qui vous classait illico dans la catégorie honnie des voyous américains ou australiens, la racaille des courts à l’époque. Les seuls qui osassent le service-volée, une pratique que les sujets de Sa Très Gracieuse Majesté considéraient comme attentatoire au fair play, car elle ne laissait que très peu de chances à l’adversaire. Rien de tel aujourd’hui : les joueurs sont devenus de redoutables relanceurs, qui vous fusillent impitoyablement si vous montez au filet en chaussettes. Pour preuve : la dernière finale s’est jouée en fond de court, avec des échanges presque aussi longs que sur la terre de Roland Garros.

Mais il y a une raison très technique à ce que Wimbledon produise désormais des matches-marathon. Le gazon anglais figurait autrefois au rang des surfaces les plus rapides du circuit. Ce qui abrégeait les échanges, offrant une prime substantielle aux bons volleyeurs, et au public un spectacle enthousiasmant. Seulement voilà : comme les courts se déplumaient méchamment entre le début et la fin du tournoi, les jardiniers décidèrent de les ensemencer avec un gazon plus rustique, capable de résister au passage d’une colonne de blindés. C’est plus joli sur un écran de télé, mais depuis 2002, la surface est devenue presque aussi lente que la terre parisienne. Désolé, mais ce n’est plus Wimbledon. Voilà pourquoi le billettiste a depuis lors renoncé à concourir à ce Tournoi. Afin de conserver intact le souvenir ému de ses parties contre von Cramm. C’était un sacré joueur, au service massacrant et à la volée aérienne. Et d’une sportivité sans faille. Le seul ennui en jouant contre lui, c’est qu’il donnait toujours l’impression de s’être parfumé à la choucroute garnie.

La recette du jour

Le nouveau Wimbledon

Vous avez toujours rêvé de faire une carrière de tennisman, mais votre revers est un peu faible. Profitez de votre copinage avec la Reine d’Angleterre pour que l’on adapte Wimbledon à votre jeu. Faites diviser les courts en deux et interdisez la tonte du gazon. Vous aurez le temps de vous replacer pour asséner votre formidable coup droit.

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