La Pythie des nèfles

La Pythie des nèfles

Ah çà ! Que ferait-on sans les banquiers ? Voilà que nous revient en boucle le récent rapport de prospective d’une grande banque internationale, dont l’Economiste en chef a lancé un terrifiant cri d’alarme : « Nous sommes convaincus qu’il ne nous reste qu’une cinquantaine d’années de pétrole » affirme-t-il avec une mine d’enterrement. Mince, alors, il nous en bouche un coin. Voilà qui n’arrange pas le billettiste, qui par souci d’économie comptait bien ne pas changer sa 12 cylindres avant cinquante ans. Faudra sans doute la convertir au charbon : selon le même haruspice, il nous reste des réserves pour les 176 ans à venir (hors taxes, non dédouanés) – ça va : pas besoin d’en stocker sous le matelas. Ou alors doit-on envisager de faire turbiner nos bagnoles au nucléaire. Encore que cette énergie n’ait pas trop la cote par les temps qui courent, on se demande pourquoi. Alors que le cours du baril de brut, au contraire, a regagné ses sommets historiques et nous promet de nouvelles aventures himalayennes. Pour le plus grand bonheur des gestionnaires spéculateurs, qui sont « longs » sur le brut depuis pas mal de temps. C’est-à-dire qu’ils comptent bien sur la poursuite de la hausse pour faire carburer la performance des hedge funds spécialisés. Qu’elle soit réelle ou propagandiste, la pénurie peut rapporter gros.

On est quand même fondé à accorder une once de crédibilité à ces prédictions. Notre concierge, qui lit l’avenir dans les traces de serpillère, était arrivée aux mêmes conclusions : tant va la cruche à l’eau qu’à la fin elle se casse. Les banquiers, qui ne sont pas des cruches, eux, ont depuis longtemps compris qu’une ressource en quantité finie tend à s’épuiser quand on la consomme. Bien vu. Voilà pourquoi ils ont choisi le commerce de l’argent, dont le gisement est intarissable. Ce qui pose un autre problème : à force de fabriquer de la monnaie en quantité extravagante, notre système financier tend à déprécier la valeur de son carburant. Si bien que ses détenteurs préfèrent le claquer en achetant des biens réels à n’importe quel prix : des immeubles, des timbres-poste, des bibelots asiatiques, les frous-frous de Marilyn Monroe, des despotes africains, les voix des électeurs – à ce rythme, le moindre siège de député va devenir inaccessible. Ils achètent aussi des entreprises au prix du caviar, ce qui laisse augurer d’une nouvelle bulle boursière, alors que l’activité s’englue dans le mazout. Mais une question angoissante nous taraude : dans cinquante ans, nous restera-t-il encore des banques ?

La recette du jour

Gisement de bouillon

Vous avez toujours regretté d’avoir investi dans un poulailler plutôt que d’acheter une banque. Ne désespérez pas : avec une seule poule, vous pouvez vous assurer une prospérité de banquier. Il suffit de la mettre inlassablement au bouillon et de la retirer avant chaque service. Soyez toutefois vigilant : tant va la poule au pot qu’à la fin elle se lasse.

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