Querelles embryonnaires

Querelles embryonnaires

Voici donc revenu dans l’enceinte parlementaire, et à coup sûr dans l’opinion publique, le débat épineux sur les travaux de recherche réalisés sur les cellules souches embryonnaires. Et ce à la faveur du retour devant le Parlement d’une proposition de loi, adoptée en fin d’année dernière par le Sénat, et finalement laissée en marge des débats de l’Assemblée sous le motif opportuniste d’une surcharge du calendrier. C’est que la question divise tout autant sur le plan philosophique et religieux que sur le plan scientifique. Il apparaît en effet que les travaux de recherche menés jusqu’à ce jour restent dans l’impasse, tant en France qu’à l’étranger, alors que ceux relatifs aux cellules souches adultes semblent plus prometteurs. Et en même temps beaucoup moins sensibles sur le plan des préoccupations d’éthique. Le dispositif actuellement en vigueur pose comme règle l’interdiction de travaux sur l’embryon, avec quelques exceptions soumises à un régime dérogatoire sévèrement encadré. Le projet de loi en question renverse la proposition en consacrant la licéité de tels travaux, toutefois assortis de limitations et de contrôles rigoureux : la protection de l’embryon devient de ce fait l’exception. Cette approche ravive automatiquement les positions irréconciliables sur le statut de l’embryon, qui ne relèvent pas d’une qualification objective. La pertinence scientifique de ces recherches n’étant pas avérée, il est permis de se demander s’il est bien utile d’en faire un nouveau sujet de division.

On en viendrait presque à regretter que les miracles de l’évolution nous aient façonnés tels que nous sommes, complexes, ingénieux et querelleurs, et ce à partir d’organismes primitifs d’une grande simplicité. Voyez par exemple ces vers plats appelés planaires (paludicola), dont le cerveau ne doit pas être plus sophistiqué que celui de leurs cousins nématodes, lesquels disposent très exactement de 302 neurones. Soit à peine plus qu’une coquille d’huître. Eh bien ces planaires jouissent d’une faculté proprement stupéfiante : si vous les hachez menu, chacun des morceaux sera capable de reconstituer entièrement le ver originel. Mieux encore : coupez-lui la tête et elle repousse, tout en ayant conservé sa mémoire antérieure. Un véritable exploit compte tenu de son équipement neuronal rikiki. Autant dire qu’il y a tout lieu de regretter que l’hominidé ait renoncé à sa forme originelle de ver aquatique, assorti d’une mémoire exceptionnelle. Voilà sans doute qui explique ce phénomène récurrent : après que sa tête a été réduite en bouillie par la campagne, l’élu du peuple oublie systématiquement ses promesses antérieures. Dommage. A moins que pour réussir une carrière politique, il faille disposer de moins de 302 neurones. Pour confirmer cette thèse, il faudra donc attendre que la loi autorise la dissection des élus adultes, aujourd’hui strictement prohibée. Question d’éthique.

La recette du jour

Beati paludicola

Vous êtes préoccupé par les questions éthiques que soulève le bidouillage des cellules, embryonnaires ou adultes. Pourtant, vous rêvez d’une descendance qui soit affranchie des obstacles à la longévité. Epousez un ver aquatique. Vos enfants se reconstitueront à neuf après la maladie ou l’accident. Et avec leurs 302 neurones, ils échapperont à toute angoisse métaphysique.

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