Rififi dans la finance

Rififi dans la finance

Ils n’ont pas la reconnaissance du ventre, les financiers. On dirait qu’ils ont déjà oublié tout ce qu’ils doivent à Ben Bernanke, le désormais past-president de la Banque fédérale américaine. C’était hier sa dernière participation au Comité monétaire de la FED, après huit années de loyaux services comme parrain de la famille finance, qu’il a préservée de la ruine grâce aux rotatives de l’Institution. Eh bien, son départ à la retraite a été salué par une baisse générale des marchés, qui prenait ce matin une allure de jaunisse à l’ouverture des places asiatiques. Pourtant, le Comité n’a pas fait de vagues : il a simplement confirmé la poursuite, largement anticipée, de la réduction de ses achats de dettes publiques sur le marché. Les emplettes se poursuivent tout de même au rythme de 65 milliards de dollars par mois : on ne peut pas dire que la FED coupe les vivres aux spéculateurs de Wall Street. Mais bon, il faut maintenant se faire à l’idée que sa générosité va régulièrement décliner. Et qu’un jour prochain – horresco referens – elle cessera de distribuer gratos les jetons du casino.

Pour ajouter de la douleur à la douleur, voilà que le même jour, l’Europe bancaire prenait un méchant coup de latte dans les tibias. De la part du commissaire Barnier, chargé des Services financiers, qui présentait son projet de réforme du secteur bancaire, concocté à partir du fameux rapport Liikanen de la fin 2012. Ledit Barnier propose ni plus ni moins d’interdire aux établissements généralistes la spéculation bancaire pour compte propre, celle qui consiste à spieler avec l’argent des clients : quand les paris sont gagnants, la banque rafle la mise ; quand ils sont lourdement perdants, ce sont les déposants et les contribuables qui bouffent la grenouille. On le comprend sans peine, un tel projet a soulevé un tollé d’indignation dans les milieux concernés, tant en France qu’en Allemagne, où le législateur avait cru pouvoir brûler la politesse à la Commission, en votant à la hâte des dispositifs pépères qui ne fissent pas trop d’ombre au puissant lobby bancaire. Lequel est conscient de ses faiblesses structurelles des deux côtés du Rhin. Même le très mesuré Gouverneur de la Banque de France, réputé aussi émotif qu’un flan à la vanille, a laissé exploser sa colère. En jugeant le projet et son auteur « irresponsables » - ce qui équivaut à une déclaration de guerre en bonne et due forme. On ne peut à ce stade préjuger de la part de théâtre dans le psychodrame en cours. Mais il faut probablement en attendre des développements shakespeariens.

La maxime du jour

Soyez indulgent : tolérez que votre banquier vous tonde la laine sur le dos. Car s’il s’appauvrit, il devient dangereux. Et s’il se ruine, vous serez également ruiné. Faites passer le message à Barnier.

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