Science : l'argent (...)

Science : l’argent rend intelligent

Ça sent vraiment la rentrée scolaire : les brumes matinales, la fraîcheur des températures au lever du jour, la pâleur du soleil l’après-midi, le rayon papeterie du supermarché. Même les travaux dits scientifiques épousent l’actualité. Voilà que la revue Science publie une étude qui renvoie indirectement à cette interrogation lancinante : l’Ecole aide-t-elle les mouflets à devenir des adultes intelligents ? Encore que l’objet de l’étude n’ait pas été libellé en ces termes, si l’on en juge aux conclusions rapportées dans la rubrique spécialisée du Monde. Car de nos jours, sous le règne de l’économisme triomphant, l’étalon de toutes choses, c’est l’argent. L’homo œconomicus étant un être parfaitement rationnel, apte à prendre les décisions appropriées en toutes circonstances grâce aux informations que lui livre le marché, il en résulte que quiconque n’est pas prospère a nécessairement un problème. L’étude en cause nous livre la clef du mystère : les pauvres sont moins intelligents que leurs contemporains aisés. Ils affichent en moyenne un déficit de 13 points de QI qui leur interdit de gérer correctement leur budget – si bien qu’il leur manque toujours de l’argent pour s’acheter les points supplémentaires qui les rendraient opulents. Les travaux ne précisent pas, et c’est dommage, ce qu’il advient d’un riche qui serait contraint de vivre avec le budget d’un pauvre. On demeure donc dans la glorieuse incertitude que soulève la controverse immémoriale de la poule et de l’œuf : est-ce l’indigence qui rend stupide ou la stupidité qui rend indigent ?

Les chercheurs concernés (psychologues et économistes) répondent implicitement à l’interrogation. On ne voudrait pas se montrer trop caustique à leur égard, faute d’avoir lu l’entièreté de leurs travaux. Et il faut tenir pour plausible leur analyse liminaire : à devoir se préoccuper en permanence de trouver des ressources pour sa survie, l’individu ne peut guère se concentrer sur autre chose que ses soucis d’argent. Mais là où les choses se gâtent, c’est lorsque nos « scientifiques » déduisent de leurs travaux les recommandations appropriées aux décideurs politiques. Il convient, selon eux, de faciliter la vie des pauvres en simplifiant les formulaires administratifs et les clauses des contrats, et en raccourcissant les entretiens d’embauche de ces neuneus de pauvres. Autant dire que d’un point de vue scientifique, lutter contre la pauvreté consiste à communiquer avec les démunis en langage petit-nègre. Car leur impécuniosité est incurable : ils ne sont pas assez intelligents pour s’enrichir. La vie quotidienne apporte pourtant de multiples démentis à ces allégations hardies : nombre de crétins patentés sont parvenus à la réussite financière, sans amélioration notable de leur QI. Mais il faut reconnaître qu’il ne suffit pas de gaver le pékin de biffetons pour faire de lui un génie. Voyez par exemple les responsables politiques : la collectivité les traite comme des coqs en pâte, et cela n’améliore guère la qualité de leurs décisions.

La recette du jour

L’école et l’argent

Vous êtes un lecteur assidu de la revue Science et vous tenez à garantir la réussite de vos mouflets. Créditez-les d’une petite fortune d’argent de poche avant de les expédier à l’école. Si cela ne les rend pas plus intelligents, inscrivez-les à Sciences Po. Vous leur ouvrirez une carrière dans laquelle la niaiserie n’est pas un obstacle à la prospérité.

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