Tourisme hallucinogène

Tourisme hallucinogène

Depuis longtemps le désert fascine les Occidentaux. Disons que sa puissante séduction s’exerce surtout sur ceux qui ne sont pas obligés d’y vivre en permanence. Les hommes des sables sont ainsi crédités d’une sagesse primordiale, qui restaure la dignité d’une espèce dont la conscience a été anesthésiée par l’obsession du confort matériel. Voilà peut-être ce qui a aiguillonné Lawrence d’Arabie dans son épopée ; voilà sans doute ce qui a inspiré Camus dans sa vision lyrique du désert, « où cheminent sans trêve des hommes qui ne possèdent rien, mais ne servent personne ». Affronter des contrées désertiques et inhospitalières demeure un objectif de retraite spirituelle pour quelques-uns, en lieu et place du chaos des camps de concentration all inclusive – le « cœur de marché » de la transhumance moderne. Et voici que se rétablissent les expéditions initiatiques qui connurent leur heure de gloire avec la vague new age et ses multiples ramifications. En particulier dans le désert de Wirikuta, au nord du Mexique, où le peuple Wixárika entretient un culte millénaire dans lequel le jícuri, autrement appelé peyotl, joue un rôle déterminant dans l’art divinatoire. Il s’agit d’un cactus de petite taille aux vertus hallucinogènes, comparables à celles du LSD selon les dires des spécialistes. Car il contient de la mescaline, à ne pas confondre avec le mescal dont s’abreuvait le Consul de Malcom Lowry (Au-dessous du Volcan), bien que l’ivrognerie de Malcom fût pour lui le moyen d’accéder à la voyance. Et accessoirement à la déchéance.

Il semble donc que le tourisme du cactus hallucinogène au Mexique connaisse un regain de faveur auprès des petits-enfants de la génération hippie. Un retour au « tourisme mystique » que promet le peyotl, cette plante considérée comme sacrée par les Indigènes et qui pourrait bientôt disparaître. Moins par la cueillette sauvage – et prohibée – que sous les effets de l’exploration minière qui s’est intensifiée dans le désert de Wirikuta – riche en gisements d’argent. Tout un symbole. Pendant ce temps, les parents et grands-parents de ces mystiques psychédéliques ont abandonné les hallucinogènes de leur jeunesse et les randonnées épuisantes. Désormais, on les trouve en masse sur la Côte d’Azur, une métaphore bourgeoise du désert mexicain. Ils s’y adonnent à un hallucinogène au pouvoir limité mais dont la consommation n’est pas prohibée. Il s’agit du rosé de Provence, que le législateur français a eu la sagesse de maintenir dans le régime-santé de tout vacancier normalement constitué. Ce psychotrope rend spirituels les apéritifs prolongés et les barbecues autour de la piscine. Et en cas de maux de tête, un pastis au petit-déjeuner permet de remettre en place les idées. Et la bonne humeur. C’est chouette, les vacances.

La recette du jour

Paradis œnologiques

Pour échapper à la mornitude du quotidien, vous aimeriez retrouver, pendant vos vacances, l’enthousiasme hallucinatoire de vos années estudiantines. Evitez les champignons psychotropes, difficiles à identifier ; renoncez au cactus mexicain, qui vous obligerait à crapahuter. Installez-vous plutôt en terrasse. Commencez la journée au blanc sec, poursuivez au rosé et terminez au grand bordeaux. Si vous n’arrivez pas à planer, consultez d’urgence votre médecin.

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