Une paie mortelle

Une paie mortelle

C’est semble-t-il à tort que l’on s’inquiète de la situation américaine. Bien qu’il ne reste plus que quelques semaines à l’Etat fédéral avant de tutoyer le défaut de paiement, bien que la Maison-Blanche ait dû déclarer l’Oncle Sam vainqueur en Afghanistan pour pouvoir démobiliser ses coûteuses armées, bien qu’une écrasante majorité d’Etats fédérés soit dans l’obligation de licencier massivement ses personnels – policiers, pompiers, enseignants… –, bien que Ben Bernanke soit suspect de raser les forêts américaines pour faire tourner la planche à billets, un secteur continue de briller de tous ses feux : la recherche universitaire. Le constat est d’autant plus rassurant que l’on aurait pu craindre, à la faveur de la crise, que les Yankees ne sacrifiassent l’éducation des jeunes à la petite intendance, au risque de transformer leur société, réputée pour son raffinement intellectuel, en une population de sombres abrutis.

Témoignent de ce bouillonnement universitaire les travaux récemment conduits sous la direction de l’économiste William Evans, spécialiste reconnu des politiques d’éducation et de santé, qui enseigne à l’Université Notre-Dame du Lac (dans l’Indiana). Au terme d’une étude qui a duré plus de trois ans, les chercheurs sont parvenus à cette conclusion bouleversante : le risque de décès d’un individu s’accroît considérablement juste après le versement de sa paie. Qu’il soit jeune ou vieux, célibataire ou marié, prolétaire ou grassement payé. L’échantillon de population observé par Evans ne concerne que les ressortissants de l’Indiana : il serait donc hasardeux d’en tirer une généralité. Mais on sait désormais que lorsque les habitants de Chicago touchent leur salaire, ils se lancent illico dans la tournée des bars, conduisent complètement bourrés et se poudrent honteusement le nez. Ils s’adonnent également à « certaines activités connues pour provoquer des crises cardiaques », selon les allégations énigmatiques du professeur Evans. Le footing ? Le poker ? Le tricot ? L’histoire ne le dit pas : il faudra donc attendre la publication de l’article dans le très sérieux Journal of Public Economics pour en savoir davantage. Aussi, qu’il nous soit permis de tirer les conclusions de cette enrichissante étude. Primo : au vu des loisirs raffinés de ses habitants, l’Indiana doit depuis longtemps avoir sacrifié ses dépenses d’éducation. Secundo : si les chercheurs dilapident leur talent à des billevesées, il est temps de transformer Notre-Dame du Lac en distillerie. Tertio : si la délivrance de la paie est à ce point dangereuse, il en va de la santé publique de la supprimer. [Pour prévenir tout soupçon de conflit d’intérêts, le signataire déclare n’être pas subventionné par le Medef. Enfin, pas encore…]

La recette du jour

Livre de chaire

Vous êtes chercheur en Economie et vous n’avez toujours rien trouvé. Ne désespérerez pas. Démontrez par exemple qu’il existe un lien de proportionnalité directe entre le nombre d’automobiles et celui d’accidents de la route ; entre la quantité d’alcool vendue et le nombre de poivrots récurrents ou occasionnels. Vous décrocherez ainsi une chaire à Notre-Dame du Lac (Indiana).

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