Vulgarité souveraine

Vulgarité souveraine

On se souvient de l’aphorisme légendaire d’un Président de la République, celui que la presse satirique nommait alors « Qui-vous-savez », afin de moquer la censure bien réelle que subissaient les médias : « La politique de la France ne se fait pas à la Corbeille ». C’était en 1966 ; la Bourse faisait grise mine et la situation s’aggrava nettement l’année suivante. Mais Charles de Gaulle signifiait publiquement que le sort des actionnaires ne figurait pas au nombre de ses indicateurs politiques. En d’autres termes, qu’il s’en moquait comme de son premier uniforme. Ce en quoi il avait tort, car l’état du marché financier revêt une grande importance pour l’activité d’un pays. Seulement voilà : l’économie n’était pas vraiment la tasse de thé du Grand Charles. Le libéralisme non plus, du reste : il le démontra par le recours à de larges nationalisations. En ce temps-là, la politique se conduisait autour d’un objectif inaliénable : la protection de la souveraineté nationale. De Gaulle était imperméable au lobbying, d’où qu’il vînt. Et réfractaire à l’intimidation. Un demi-siècle plus tard, la Corbeille a physiquement disparu, mais ce sont les marchés financiers qui dictent la politique. Les lobbies qui écrivent la loi. Les préoccupations épicières qui façonnent les relations internationales. Le concept de souveraineté est ridiculisé par la modernité irrépressible de la globalisation.

Dans un tel contexte, on ne comprend guère comment une partie significative de notre représentation politique peut encore se réclamer du « gaullisme ». Car les seuls à mettre en avant la prééminence de la souveraineté sont totalement marginalisés sur l’échiquier. Pire encore, on assiste au spectacle déroutant d’élus du peuple se répandant en critiques acerbes de la politique intérieure et étrangère de notre pays, sur la chaîne de télévision d’un Etat en ce moment engagé dans des tractations rugueuses avec la France. Certes, il est parfaitement permis de réprouver la gestion intérieure de ce gouvernement, et d’être affligé par sa politique étrangère – manifestement étrangère à la notion de souveraineté. Mais malgré l’incompréhension – pour rester poli – que peut susciter la diplomatie française sur la question du nucléaire iranien, il est extravagant que des personnalités politiques aillent, au même moment, conspuer la stratégie de leur pays sur une lucarne iranienne. Dans de telles circonstances, le devoir de réserve honore ceux qui s’y soumettent. Tant dans leur propre pays que dans celui où de telles déclarations nourrissent l’inévitable propagande nationale. Devant le comportement de ceux qui se réclament de lui, le pauvre Charles a dû se retourner dans sa tombe.

La recette du jour

Calomnier n’est pas jouer

Inutile de calomnier vos adversaires auprès de leurs ennemis : votre cause ne s’en trouvera pas valorisée. Mais vous y gagnerez une réputation de concierge malveillante, qui pourrira durablement les relations avec vos propres amis.

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