Festival de Cannes (...)

Festival de Cannes 2023 : Un palmarès presque idéal !

Le Festival de Cannes a superbement commencé par un film en noir et blanc de plus de 4 heures, datant de 1969 : «  L’Amour fou » de Jacques Rivette, en présence des deux principaux interprètes, Bulle Ogier et Jean-Pierre Kalfon, ce qui ajoutait encore plus d’émotion à cette exceptionnelle projection.

Aussitôt s’enchaîne la sélection des films en compétition parmi lesquels se détache «  Anatomie d’une chute  » dont il semble immédiatement évident qu’il décrochera la Palme d’Or.
Film de procès, certes, mais totalement différent des films de ce genre, d’autant que la réalisatrice française, Justine Triet, analyse la personnalité d’une femme pour déterminer si elle a, ou non, tué son mari, mort après une chute du grenier de leur chalet savoyard. Les enquêteurs peinent à répondre avec certitude sur sa possible culpabilité. Finalement rien ne sera résolu et le spectateur reste avec des points d’interrogation dans sa tête. L’interprétation plus que parfaite de Sandra Hüller complète les multiples qualités du film dont le scénario a été écrit avec le cinéaste Arthur Harari (Onada, 10 000 nuits dans la jungle), compagnon de Justine Triet.

Un autre film avait largement retenu notre attention dès sa projection : «  La zone d’intérêt  » du Britannique Jonathan Glazer, sur la famille de Rudolf Höss (Commandant du camp d’Auschwitz de 1940 à 43), une famille ordinaire préoccupée de son train-train quotidien, de son confort et de son jardin qui jouxte le camp dont on entrevoit la fumée s’échappant des funestes cheminées. C’est une illustration de la « banalité du mal » chère à la philosophe Hannah Arendt. Le film a obtenu le très convoité Grand Prix.

Sans surprise, le Prix du Jury est revenu à Aki Kaurismäki dont l’humour ironique et pince-sans-rire ne pouvait que séduire le Président du Jury, le réalisateur suédois Ruben Östlund. Dans « Les feuilles mortes », le cinéaste finlandais représente, à sa manière comme toujours, une quête du bonheur pour un homme et une femme qui croient que leur rencontre peut suffire pour former un couple dans la durée.

Plus étonnant, c’est le Prix de la mise en scène attribué à « La Passion de Dodin Bouffant  » de Trân Anh Hing, d’après le roman de Marcel Rouff. L’art culinaire est cette passion qu’interprètent Juliette Binoche et Benoît Maginel. Ce bon film n’a rien d’exceptionnel, mais la renommée de la cuisine française a dû passionner les membres étrangers parmi le jury.

Il semble évident que le Prix du scénario ait été remporté par « Monster », un film bouleversant de Hirokazu Kore-eda. Lors de la présentation de la sélection cannoise, Thierry Frémaux l’avait comparé à « Rashômon » (1950) de Kurosawa, pour indiquer des versions contradictoires données sur un même événement : tout se joue entre la mère et l’instituteur d’un enfant.

Le Prix d’interprétation féminine est revenu à l’émouvante Merve Dizdar dans le superbe « Herbes sèches » du turc Nuri Bilge Ceylan. La comédienne y endosse avec une délicate subtilité le rôle d’une jeune intellectuelle infirme, chargée d’enseigner dans un village reculé d’Anatolie.

Quant au Prix d’interprétation masculine, il n’y avait aucun doute qu’il soit attribué au japonais Koji Yakusho, pour son rôle étonnant d’un nettoyeur de toilettes publiques à Tokyo, dans « Perfect Days « de Wim Wenders.

C’est un film sélectionné par « La Quinzaine des Cinéastes » qui a reçu La Caméra d’Or récompensant un premier Film toutes sélections confondues : « L’arbre aux papillons d’or », du Vietnamien Pham Thien An qui immerge les spectateurs dans de magnifiques paysages ruraux de son pays.

Inévitablement, il y a quelques regrets de constater des absents, et surtout Marco Bellocchio qui repart encore cette fois bredouille, malgré son admirable et passionnant « Rapito » (« L’enlèvement »), sur le rapt d’un enfant juif de 7 ans par l’Eglise Catholique en 1858. Quelques frustrations sont immanquables, mais ce palmarès est parfait, sinon idéal !

Caroline BOUDET-LEFORT

L’actrice Sandra Hüller livre une parfaite interprétation dans Anatomie d’une chute, Palme d’Or 2023 © Les Films Pelléas/Les Films de Pierre

deconnecte