Loi du 20 avril relative

Loi du 20 avril relative à la déontologie : révolution culturelle dans les collectivités ?

  • le 6 octobre 2016

A la suite du scandale de l’affaire Cahuzac dévoilée en décembre 2012, le gouvernement soucieux de renforcer l’intégrité des responsables politiques fait adopter dans l’urgence, en octobre 2013, une loi améliorant la transparence financière et la prévention les conflits d’intérêts.
Parallèlement, dès janvier 2013, Maryse Lebranchu, réaffirme son ambition de réconcilier « les agents avec leurs missions » et « les citoyens avec l’action publique » en déposant un projet de loi relatif à la Déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires.
La loi du 20 avril 2016, conforte les valeurs que doivent incarner les agents de la fonction publique au service de nos concitoyens, tout en créant des nouveaux outils au service du développement d’une véritable culture déontologique.

La réaffirmation des valeurs qui guident l’action publique

La loi confirme des valeurs jurisprudentielles à l’égard des agents publics afin de reconnaître le devoir d’exercer ses fonctions avec dignité, probité, intégrité et impartialité, qui fonde la confiance des citoyens envers ceux qui ont fait le choix de servir l’intérêt général. Elle consacre le respect du principe de laïcité et celui de neutralité du service public devant être concilié avec la liberté de conscience des agents publics.
Le chef de service est le garant de tous les principes déontologiques pour les services placés sous son autorité. Mais, il pourra préciser ces principes (élaboration de chartres).
Enfin, la loi a abandonnée de consacrer l’obligation de réserve en raison de sa définition à géométrie variable, laissant ainsi le juge administratif le soin d’apprécier et arbitrer avec maintien de l’exercice de nos libertés.

Le Fonctionnaire garant de la Déontologie ?

a) La prévention des conflits d’intérêt : obligations déclaratives
S’agissant des postes de la fonction publique considérés comme les plus sensibles aux risques de conflits d’intérêts (précisés par décret), les fonctionnaires concernés seront tenus d’effectuer une déclaration d’intérêts à leur hiérarchie préalable à l’embauche, qui appréciera elle-même ou transmettra en cas de doute à la H.A.T.V.P.
Ces agents doivent, en outre, transmettre, dans les deux mois qui précèdent la prise de leurs fonctions ou qui suivent la cessation de leurs fonctions, une déclaration de situation patrimoniale à la H.A.T.V.P. L’ensemble des documents ainsi transmis par les agents ne sont pas versés à leur dossier ni communiqués aux tiers (art 4).

b) Rôle d’alerte du fonctionnaire
Le fonctionnaire veille à prévenir et à faire cesser immédiatement les situations de conflits d’intérêts, dans la mesure où une telle situation est de nature à compromettre l’exercice indépendant, impartial et objectif de ses fonctions. Il constitue « toute situation d’interférence entre un intérêt public et des intérêts publics et privés qui est de nature à influencer ou paraître influencer l’exercice indépendant, impartial et objectif d’une fonction ». Le législateur a retenu une définition plus subjective. L’agent saisit son supérieur hiérarchique qui apprécie s’il y a lieu de confier le dossier ou la décision à une autre personne. La loi instaure une garantie pour l’agent public qui relate ou témoigne, de bonne foi et après avoir alerté en vain son supérieur hiérarchique, de faits susceptibles d’être qualifiés de conflits d’intérêts dont il aurait eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions.

c) L’obligation de se consacrer à son emploi : interdiction de cumul d’activité.
Le fonctionnaire consacre l’intégralité de son activité professionnelle aux tâches qui lui sont confiées au service de l’intérêt général et ne peut exercer, à titre professionnel, une activité privée lucrative de quelque nature que ce soit. Certaines dérogations existantes sont maintenues, d’autres sont revues comme par exemple l’agent public à temps partiel qui pourra cumuler un emploi à temps complet pour créer ou reprendre une entreprise, sous réserves des nécessités du service et de l’autorisation préalable de la commission de déontologie.

La Création d’un référent déontologue de proximité ?

La consultation par les fonctionnaires d’un référent déontologue devient un droit. Il permettra aux agents publics de bénéficier de conseils déontologiques. Son rôle ne devra pas mettre en cause la responsabilité et les prérogatives du chef de service d’expliciter les principes déontologiques. Ces référents devront répondre à la diversité des missions et des organisations des collectivités, tout en offrant les garanties appropriées, notamment d’indépendance et de confidentialité. Des décrets fixeront le soin de déterminer les conditions de mise en œuvre de ce nouveau dispositif.

A l’allure d’une tortue, cette loi modifiée a tout de même permis d’inscrire dans notre droit de la fonction publique des valeurs « fondamentales communes aux agents publics ». Ils sont les premiers gardiens des principes déontologiques et ils sont appelés à se consacrer pleinement à leurs fonctions au service de l’intérêt général (limitation des cumuls). La création obligatoire de la fonction de référent déontologue est consacrée dans le texte mais la réussite de sa mission dépendra des moyens dont il disposera.

Ainsi, la déontologie devient nouvel enjeu pour tous les acteurs de la vie publique locale.

Jérôme DESCHÊNES
Conseiller Technique Ethique et Déontologie au SNDGT (syndicat national des directeurs généraux des collectivités territoriales)
http://www.congres-sndg.info/

Photo de Une : DR

deconnecte