Cette ardoise est une tuile
- Par Jean-Michel Chevalier --
- le 29 mars 2024
Bruno Le Maire claironne avec la conviction du converti que, tant qu’il sera à Bercy, il n’y aura pas d’augmentation d’impôts, tout simplement parce que ceux-ci sont déjà très élevés, et que les Français ne supporteraient pas un nouveau coup de canif dans leur pouvoir d’achat. C’est vrai. Mais l’autre bonne raison de ce statu quo fiscal réside aussi dans le fait que notre toujours optimiste ministre des Finances lorgne du côté de l’Élysée. Un job libre dans trois ans, et dont il veut croire qu’il lui tend les bras. Lors du récent remaniement, il avait d’ailleurs fait de la modération fiscale un préalable, faute de quoi il aurait quitté son maroquin...
La situation, hélas pour nous autres contribuables, est loin d’être réjouissante. Avec 3 200 milliards de dette – soit plus d’un an de PIB – il était largement temps de siffler la fin des mesures du « quoiqu’il en coûte » (boucliers tarifaires, reports de charge, etc.). Elles eurent, certes, le mérite de soulager les plus modestes et d’acheter une paix sociale toute relative, mais au prix d’un endettement encore plus abyssal.
On mesure déjà les difficultés rencontrées pour « économiser » cette année dix milliards pour se rendre compte de la difficulté du chantier du redressement de notre tirelire nationale : à ce rythme il faudrait 320 ans pour revenir à l’équilibre ! La dose d’économies forcées dans le budget sera doublée en 2025 et il faudra rogner 100 milliards d’ici 2027 si l’on veut rentrer dans les clous des 3 % maxi de déficit qui restent l’objectif du gouvernement et la norme en Europe.
Le ralentissement économique se traduisant par une baisse des recettes (moins de TVA notamment) expliquerait l’inquiétante dégradation de nos comptes, avec 5,5 % de déficit cette année, bien plus que prévu. « C’est un problème de recettes, pas de dépenses » philosophe le ministre des Comptes publics, Thomas Cazenave. Soit. Pierre Moscovici, Premier président de la Cour des comptes, sonne toutefois l’alarme sur ce « dérapage important », ajoutant que tout le monde « doit être concerné par l’effort à accomplir qui doit être équitablement réparti ».
C’est justement la position du Modem François Bayrou. Il suggère une hausse « ciblée » des impôts vers ceux qui ont « le plus de moyens ». La présidente de l’Assemblée Yaël Braun-Pivet ne dit pas autre chose en évoquant la possibilité de taxer les « super profits » et les « super dividendes ». Cazenave répond qu’il n’a « pas de tabou » à ce sujet. Chiche ?
L’année prochaine, nous rembourserons 84 milliards d’intérêts. Ce sera le premier poste de dépense de l’État, une nouvelle réduction de nos marges de manœuvres, et autant d’investissements que l’on ne pourra plus faire. Il ne faut pas non plus oublier que les agences de notation sont à l’affût pour confirmer notre actuel « AA », synonyme de confiance et de taux bas, ou pour dégrader la note de la France, ce qui reviendrait à rendre l’argent emprunté encore plus cher…
Jean-Michel CHEVALIER