Le transfert du risque

Le transfert du risque climatique au prisme des Cat Bonds : instrument financier adapté à l’émergence des catastrophes naturelles ?


Par Paulo Mozes
Étudiant M2 juriste d’Affaires
Membre ANEJA et AFJE06

Parution dans le cadre du cycle d’étude "Droit des assurances approfondi - L’assurance face à la décarbonation"


Le changement climatique tel qu’énoncé dans les récents rapports du GIEC laisse présager une augmentation de la fréquence de sinistres et une aggravation des catastrophes. Si les assureurs sont des acteurs financiers de premier plan, une récente étude a établi le lien entre les catastrophes naturelles extrêmes et la baisse prononcée des indices boursiers les 2 jours suivant l’évènement. En effet, selon France Assureurs, fin 2022, les assureurs français. cumulaient 2397 milliards d’euros de placements dont 22% constituent des actions, il convient en ce sens de s’interroger sur la capacité par les assureurs à couvrir le risque catastrophe naturelle. Ainsi, la question du transfert du risque climatique occupe désormais le devant de la scène, compte tenu de l’émergence fréquente et dévastatrice des catastrophes naturelles. Dans ce contexte, les Cat Bonds, obligations liées aux catastrophes, émergent comme des instruments financiers novateurs susceptibles de revoir la gestion du risque de catastrophe.

Les Cat Bonds sont des titres financiers dont le rendement et le remboursement du capital dépendent de l’occurrence d’événements catastrophiques préalablement définis, tels que les ouragans, les tremblements de terre ou les inondations. Ces obligations catastrophe ont pour objectif de transférer le risque lié aux événements dits « catastrophiques », des assureurs vers les investisseurs.
Les Cat Bonds, par définition, permettent un nécessaire transfert des risques de l’assureur à l’investisseur.

En effet, à l’origine des Cat Bonds, une catastrophe naturelle, le cyclone Andrew qui avait causé en 1992 des dégâts estimés à plus de 20 milliards de dollars aux Etats-Unis. Les assureurs et réassureurs estiment que si ce type de catastrophe survenait de nouveau, ils ne posséderaient pas la surface financière suffisante pour indemniser les sinistrés. Ainsi, c’est dans une nécessité de transférer le risque que sont émises, en 1994, les premières obligations catastrophes.
L’attractivité des obligations catastrophes pour les investisseurs réside essentiellement dans le rendement de cet instrument financier, de l’ordre de 16% en 2023 (Swiss Re catastrophe bond index). Ainsi, le rendement de ces obligations catastrophes s’avère nettement plus intéressant pour l’investisseur que les placements financiers plus classiques.
Toutefois, cette approche n’est pas sans défis. La modélisation précise des risques climatiques et la définition des déclencheurs des Cat Bonds demeurent des aspects complexes. En effet, France Assureurs estime que le montant des sinistres dus aux événements naturels pourrait atteindre 143 milliards d’euros en cumulé entre 2020 et 2050, soit une augmentation de 93 %, et 69 milliards d’euros de plus par rapport à la période 1989-2019. Ainsi, l’attractivité de ces obligations catastrophes, pourrait être remise en question face à une augmentation importante du risque, où les titulaires d’obligations seraient quasi-systématiquement confrontés à la réalisation du risque et n’auraient pas de véritable intérêt de devenir titulaire d’obligations catastrophes dans le rapport risque - gain potentiel.

Les investisseurs doivent ainsi naviguer dans un terrain où l’incertitude climatique et la difficulté à prédire la fréquence des événements extrêmes peuvent poser des défis considérables.
Malgré ces défis, l’attrait des Cat Bonds réside dans leur capacité à offrir une protection financière rapide et flexible en cas de catastrophe. Le marché des Cat Bonds a d’ailleurs connu une émergence significative au cours des dernières années, témoignant de l’intérêt croissant des investisseurs pour ces instruments. En effet, selon une étude publiée par Morningstar, le marché
des obligations catastrophes a doublé ces dix dernières années pour atteindre aujourd’hui les 40 milliards de dollars
.
Les Cat Bonds assurent en réalité des risques très divers. La Fédération Internationale de Football Amateur (FIFA) a émis, en 2006, un Cat Bond afin de se couvrir en cas d’attaque terroriste lors de la Coupe du monde en Allemagne. Si, en principe, les obligations catastrophes couvrent un évènement précis, ces obligations ont pu s’adapter et évoluer. En effet, en ce sens, l’assureur Groupama a lancé une obligation catastrophe ne couvrant pas un évènement précis mais constituant une couverture indemnitaire pour toute l’année, comme l’a précisé Pierre Lacoste, le directeur réassurance de Groupama, qui insiste par ailleurs sur le fait qu’il s’agit de « la première transaction de cette nature réalisée en 2023 par un assureur ».
Ainsi, les Cat Bonds émergent comme des instruments financiers adaptés à l’émergence des catastrophes naturelles, offrant un moyen innovant de partager le fardeau financier associé aux risques climatiques.

Toutefois, le développement de la prévention et une véritable acculturation au risque naturel sont essentiels afin d’assurer une résilience de la population face au défi climatique.

Visuel de Une : illustration DR

deconnecte