Punaises de lit : Quelles

Punaises de lit : Quelles sont les obligations du bailleur et de la copropriété ?


Par Me Cyril SABATIE,
Avocat à la cour
Spécialiste en Droit Immobilier
Ancien Directeur juridique de la FNAIM
Membre de la Chambre Nationale des Experts en Copropriété
Auteur de l’ouvrage « Copropriété » aux éditions Delmas

Les obligations du bailleur


Il résulte de l’article 1719 du Code civil que le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu’il soit besoin d’aucune stipulation particulière, de délivrer au preneur la chose louée et s’il s’agit de son habitation principale, un logement décent.

L’article 6 alinéa 1er de la loi du 6 juillet 1989 ajoute que le bailleur « est tenu de remettre au locataire un logement décent ne laissant pas apparaître de risques manifestes pouvant porter atteinte à la sécurité physique ou à la santé, exempt de toute infestation d’espèces nuisibles et parasites, répondant à un niveau de performance minimal (…) ».
Il se doit également d’entretenir la chose louée en état de servir à l’usage pour lequel elle a été louée et d’en faire jouir paisiblement son locataire pendant toute la durée du bail.
Si une invasion de punaises de lit est attentatoire à la décence du logement, elle ne peut toutefois être reprochée au bailleur que si elle provient du logement lui-même et n’a pas été importée par le locataire.
Raison pour laquelle les bailleurs, et le plus souvent leurs agences mandataires, essaient d’instaurer un diagnostic préalable à l’entrée dans les lieux des locataires afin de s’assurer de l’absence d’infestation avant la remise des clés.
Rappelant ce principe, la cour d’appel d’Aix en Provence juge dans un arrêt du 6 septembre 2023 n°21-18072 que « la quasi- concomitance entre l’entrée dans les lieux et l’apparition des lésions subies par la locataire, alors même qu’il est établi l’absence de punaise de lit dans le précédent appartement des locataires, la preuve était rapportée de l’infestation des lieux loués préalablement à l’emménagement des locataires.  »
Pour les magistrats, qui se livrent à une appréciation in concreto, il est peu probable que dans un laps de temps aussi court, des tiers visitant les locataires aient introduit ces nuisibles ou que ces derniers aient été rapportés au domicile par les locataires eux-mêmes.
Aussi, c’est valablement que le juge de première instance a retenu que le bailleur avait manqué à son obligation de délivrance d’un logement décent, causant préjudice à ses locataires.
Le bailleur est ainsi condamné à des dommages-intérêts et à la prise en charge du remboursement du remplacement de la literie des locataires.
Avec cette décision on comprend tout l’intérêt pour le bailleur de se prémunir, a priori, contre une future infestation pour laquelle il aura du mal à démontrer que celle-ci est postérieure à l’entrée dans les lieux des locataires et de leur seul fait.

Les obligations et outils du syndicat des copropriétaires


Il arrive également que le bailleur soit défaillant dans le traitement du logement qu’il donne en location. Dans ce cas il se peut que ces punaises se propagent dans tout ou partie de l’immeuble en copropriété. Dans ce cas quels sont les outils juridiques à la disposition du syndic et du syndicat des copropriétaires ?

La cour d’appel de Paris, dans un arrêt du 30 juin 2022 n°22-00511, rappelle ainsi que l’article 835 du code de procédure civile permet au président du tribunal judiciaire ou au juge des contentieux de la protection de prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Dans cette espèce il résultait des pièces produites par le syndicat des copropriétaires que l’infestation par les punaises de lit dans l’immeuble était très importante, tel que cela résultait de divers courriels et d’un rapport d’une société de désinsectisation.

Cette infestation provenait d’un appartement loué et le propriétaire de celui-ci n’agissait pas, malgré les multiples demandes du syndic.
Il existait donc à la fois une situation d’urgence et un dommage imminent, justifiant la saisine du juge des référés. En effet la cour relève dans cette espèce : « La présence de punaises de lit en très grand nombre dans les parties communes et les appartements mitoyens de celui de M. [Locataire du 6e], et le risque permanent de réinfestation malgré les interventions sanitaires, constituent à la fois un dommage imminent pour les copropriétaires et les habitants qui subissent ces infestations répétées, et un trouble manifestement illicite en raison, d’une part, de la violation des règles sanitaires par le locataire, qui n’entretient pas suffisamment son logement et rapporte des objets ramassés dans la rue, et, d’autre part, de l’atteinte à la salubrité de l’immeuble qui en découle. »
À ce titre le syndicat des copropriétaires était donc en droit de faire désigner en référé un huissier avec pour mission de procéder à l’ouverture de l’appartement infesté afin de permettre aux entreprises désignées par le copropriétaires de procéder aux travaux de dépose des meubles et équipements, et de procéder au traitement contre les punaises de lit.
Le juge des référés (à la demande du syndicat) a pu également, en pareille situation, ordonner au locataire de laisser l’appartement libre de toute occupation et de tout meuble et condamner à titre provisionnel le propriétaire-bailleur à indemniser le syndicat du préjudice financier relatif au coût des interventions pour traiter ces punaises de lit (+ de 10 000€).
La cour reconnait ici que le syndicat des copropriétaires dispose de la voie du référé, voie judiciaire efficiente en cas d’infestation conséquente provenant d’un lot privatif. Ne pas l’emprunter en cas d’infestation généralisée dans l’immeuble pourrait d’ailleurs conduire à la responsabilité civile du syndicat des copropriétaires et de son syndic.

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