Boycott : un cadre (...)

Boycott : un cadre juridique encore flou pour une pratique de plus en plus répandue

Après des appels au boycott lancés par des groupes de pression, les tribunaux ont parfois une lecture différente. Cette "arme" se répand sur les réseaux sociaux. Décryptage !

George Clooney au créneau

Lorsqu’il apprit que le sultanat de Bruneï pénalisait l’homosexualité et l’adultère, le comédien George Clooney en a avalé son expresso de travers. Il a aussitôt appelé au boycott des palaces, dont le Meurice à Paris, détenus par des capitaux originaires du petit État d’Asie du Sud-est.
La législation de cette "pétromonarchie" s’inspire de plus en plus de la charia et prévoit des exécutions capitales par lapidation...

Dégradation d’image

Il n’est pas sûr que l’appel de George Clooney, vite relayé par la presse et par d’autres stars du show business qui sont des clients habituels des palaces, fasse plier le sultan autoritaire, car les conséquences économiques de ce boycott seront marginales. Mais c’est en terme d’image que cette "opération" fait le plus mal.
En attirant l’attention du monde et, espérons-le, en éveillant les consciences.

Des exemples nombreux

Des "cordistes" mobilisés contre un industriel après un accident mortel dans un silo (deux hommes ensevelis sous des tonnes de sucre), les députés RN du nord et les nationalistes corses qui "boudent" l’invitation du président Macron. Les stars - encore elles - qui menacent de ne plus aller en Georgie depuis que cet État américain a voté une loi anti-avortement... Et un appel à ne plus diffuser les chansons de Michael Jackson, accusé de pédophilie :
les exemples récents de boycott sont nombreux.

Action, réaction

Danone a fait face en 2018 à une campagne "citoyenne" menée sur les réseaux sociaux au Maroc, le géant laitier étant accusé de s’enrichir sur le dos de la clientèle locale. Cet appel au boycott a été très suivi, engendrant une baisse substantielle du chiffre d’affaires. Le P.d.-g de l’entreprise
a réagi en se rendant lui-même dans le pays et en investissant les réseaux sociaux avec un "contre message" annonçant un nouveau produit économique (une brique de lait) vendue à prix coûtant. Il y avait urgence : le Maroc représente 50% des ventes de Danone en Afrique...

Polémique

Le même "hijab" pour faire du sport vendu au Maghreb, devenu simple "couvre tête" en France, a bousculé Decathlon qui, après avoir affirmé "assumer" la commercialisation de ce produit l’a finalement retiré de ses magasins français après une levée de boucliers de personnes protestant contre un équipement qui porte atteinte à l’image et à la liberté de la femme.

L’esprit des lois

Si le boycott n’est pas interdit, la loi de 1881 sur la presse punit d’un an de prison et de 45 000 euros d’amende la provocation publique à la discrimination. Le code pénal (article 225-2) indique qu’entraver l’exercice normal d’une activité économique quelconque est effectivement une discrimination.

Discrimination... ou pas.

Des jugements contradictoires - avec ou sans condamnation - ont été rendus par les tribunaux depuis de nombreuses années. Les magistrats considèrent le contexte de l’appel au boycott et s’appuient sur la notion de "discrimination" pour entrer ou pas en voie de condamnation.
La provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence envers une personne ou un groupe de personnes en raison de leur origine ou de leur appartenance à une ethnie, une nation, une race, ou une religion déterminée ?est interdite. (article 24 alinéa 8 de la loi sur la presse).

Boycott vs Embargo

Il faut distinguer le boycott, généralement lancé par un groupe d’individus, de l’embargo. Ce dernier relève de la décision politique d’un État qui veut faire pression sur un autre. L’Iran, par exemple, a été mis sous embargo par les USA, et de nombreuses entreprises - y compris françaises - ont arrêté toute relation commerciale avec ce pays du golfe persique. Les appels au boycott sur les produits d’un pays sont illégaux (cf photo de une affiche de 1915).

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