Olivier Colonna d’Istria : « Le logement est devenu vraiment trop cher »
- Par Sébastien Guiné --
- le 13 décembre 2024
Le président de la SOCFIM (banque immobilière du groupe BPCE) et de l’IFPImm (Institut du financement des professionnels de l’immobilier) était l’invité de la soirée annuelle de l’OIH ce 5 jeudi décembre.
Bloqué à Paris par une grève des aiguilleurs du ciel, Olivier Colonna d’Istria est intervenu en visio-conférence le 5 décembre à Nice.
Charge à lui de faire la synthèse des échanges de la soirée, tout en prenant un peu de hauteur. « Le vrai sujet au fond c’est que le logement est devenu vraiment trop cher, pour toutes les catégories de population, et qu’il faut transformer complètement le dispositif pour retrouver la solvabilité des ménages », a-t-il exposé. « Depuis 2000, les prix des logements ont fait fois deux et probablement un peu plus dans votre région et les revenus n’ont augmenté que de 30 %. On a vraiment un écart qu’il faut absolument combler ». Pourtant « le logement n’apparaît jamais dans le classement des priorités des Français dans les sondages. Avant c’était la sécurité et le pouvoir d’achat mais jamais le logement. En fait, le logement est caché derrière le pouvoir d’achat. Quand on parle de pouvoir d’achat des ménages c’est parce que le logement leur prend trop de pouvoir d’achat justement, que ce soit les loyers ou les échéances » de remboursement de prêt. Selon lui « le logement est trop cher parce qu’il est trop rare. Il est trop coûteux à produire et pas assez rentable pour investir. C’est le signe que c’est un schéma structurel qu’il faut modifier. Tout le monde est un peu responsable parce que quand les prix montent, tout le monde s’enrichit : les propriétaires fonciers, le public, le privé. Il faut sans doute réfléchir à transformer les choses ».
« Régénération urbaine »
Pour Olivier Colonna d’Istria, la première des choses à faire est de « donner les moyens et l’envie aux élus de promouvoir la production de logements ». Par production il n’entend pas que construction. Le président de l’IFPImm estime que s’il faudra sans doute revoir le ZAN (zéro artificialisation nette) car « chaque territoire doit pouvoir se développer », la clé est selon lui de « favoriser la densification » et « d’axer la production de logements sur la régénération urbaine ». « En Ile-de-France il y a 5 millions de m2 de bureaux qui sont vacants depuis des années et qui n’ont probablement plus vocation à redevenir un jour des bureaux ». Mais il reconnaît qu’il y a « beaucoup d’obstacles pour les transformer en logements. Souvent, ces opérations se heurtent à des permis ou des PLU qui ne sont pas compatibles. Probablement faudrait-il déterminer des permis sans usage et des PLU sans usage de manière à ce que la réversibilité des actifs soit possible. Et l’État doit montrer l’exemple. Il a annoncé qu’il allait rendre 25 % de ses surfaces de bureau. Cela fait déjà une bonne masse de produits que l’on pourrait utiliser pour construire du logement ». Olivier Colonna d’Istria en est convaincu, « la régénération urbaine est quelque chose qui va s’imposer ». Par ailleurs « il faut favoriser les dispositifs juridiques et financiers qui visent à diminuer le prix du foncier. Il y a déjà beaucoup de choses qui existent mais sur des sujets très réglementés et presque exclusivement concentrés sur le logement social. Il faut aussi donner l’envie et des moyens aux investisseurs, individuels ou institutionnels, de revenir vers le logement », avec notamment un statut stable pour le bailleur privé.
Alliance
Il estime que « les schémas financiers de la production de logements vont changer radicalement », pariant sur « une alliance beaucoup plus prononcée entre les financeurs et les opérateurs ». « Les financeurs peuvent être publics comme privés ». Ses propos ont été accueillis très positivement par la directrice immobilier de la Caisse d’Épargne Côte d’Azur (CECAZ), Hélène Da Costa, qui rappelle que « le banquier n’est pas un acteur de la production de logements » mais « un partenaire de l’acteur ». « En tant que partenaire, on doit s’adapter à nos clients : les promoteurs, les marchands de biens, qui sont également ceux qui travaillent sur la revente, qui rénovent les biens immobiliers. On essaie de trouver la meilleure solution pour aller au bout du projet et on fait aussi un accompagnement plus poussé. Aujourd’hui, de plus en plus d’acteurs bancaires prennent des participations dans les opérations », a-t-elle développé. « Le manque de fonds propres est un vrai sujet car le foncier est cher. On a parfois des opérateurs qui ont accès à des opérations, qui ont la capacité de les mener mais qui n’ont pas suffisamment de moyens financiers. On fait de plus en plus de participations mais on est toujours dormants. On ne prend pas de décisions sur l’opération car on ne sait pas faire. Nous ne sommes pas promoteurs. En revanche, on permet à un opérateur immobilier d’aller au bout de son projet parce qu’on lui apporte le soutien financier dont il a besoin ».