24 mars 2024
Notre idée sortie de ce week-end s’intéresse à une dessinatrice de DB engagée
Chantal Montellier, à qui la Villa Arson attribue tout l’espace de sa grande galerie Carrée jusqu’au 25 août, a le double mérite d’être à la fois auteur de bandes dessinées et femme.
À une époque où, avec Claire Brétécher, réussir à se hisser si haut dans un milieu d’hommes était plutôt exceptionnel. Les critiques sont d’ailleurs tombées comme giboulées de mars : on la trouvait trop intelligente, trop belle, trop forte et trop « rouge ». Romancière et peintre, elle est davantage connue comme la première lanceuse d’alerte, par le biais d’une œuvre à la fois réaliste et dystopique, et cela ne lui a guère servi : elle souffre de manque de reconnaissance. Ceux et celles qui ont lu sa vingtaine de bandes dessinées publiées dans les années 90 se demandent pour quelles raisons ces albums n’ont pas encore été réédités...
Cet oubli dont elle est victime n’est pas un mystère. Mettant le doigt là où ça fait mal, ces critiques qu’on lui assène sont assez représentatives d’une société patriarcale qui dévalorise la violence des femmes.
Révoltée précoce, Chantal Montellier l’est toujours : on verra dans cette vaste rétrospective, où figurent un grand nombre de dessins originaux, comment cette rébellion se manifeste chez elle.
Ses dessins virtuoses, alliage d’érotisme et de science-fiction, apparaissent dès 1972 dans la revue Combat. Les titres de presse les plus connus qui publient ses dessins contestataires sont l’Humanité, Le Monde, l’Autre Journal, Marianne, Charlie mensuel, et A suivre.
On ne peut pas nier l’agressivité dont elle fait preuve, et le traitement des sujets politiques et féministes de ses albums a marqué l’histoire du neuvième art européen et peut encore susciter l’indignation. Ses images, dit-on, ne paraissent excessives qu’aux modérés.
« Consultations gynécologiques au lendemain de la loi Veil », par exemple, qui montrait la non-application de cette loi dans les hôpitaux, avait été refusée par son employeur principal, l’hebdo L’Humanité Dimanche. Ce sujet à l’heure où l’IVG est inscrite dans la Constitution, parfaitement d’actualité, ne fait toujours pas l’unanimité. Chantal Montellier a collaboré pour la revue AH !Nana, finalement censurée pour un contenu considéré comme pornographique, car traitant de sujets comme la pédophilie, l’inceste, la libération sexuelle ou les relations non hétéronormées.
Critique de la société de contrôle, de la société de consommation, du patriarcat, dénonçant la violence d’État. Pour ces raisons, la « bédéaste » comme elle se définit marque notre époque, et son travail fera toujours peur.
Exposition jusqu’au 25.08.24