2 mai 2025
Show must go on nous raconte JMC dans son edito hebdomadaire
Moscou et Kiev seraient « très proches d’un accord ». Une information à prendre avec des pincettes, d’autant plus qu’elle émane de Donald Trump, celui-là même qui change d’avis comme de cravate aux tons criards. De son côté, Vladimir Poutine semble envoyer depuis le Kremlin une fumata bianca pour annoncer qu’il serait prêt à signer un cessez-le-feu. S’il faut se réjouir que, pour la première fois depuis trois ans, on entrevoit un début de commencement d’espoir d’armistice, cette « pax americana » se ferait évidemment au détriment de l’Ukraine. Acculé par les troupes russes, le pays de Volodymyr Zelensky devra abandonner des territoires, dont la Crimée, déjà annexée par la force en 2014, et laisser un accès à ses mines de terres rares aux Américains, dans des conditions dont on devine qu’elles ne seront pas à l’avantage de Kiev. Comme voulu par les deux grandes puissances, l’Europe reste tenue à l’écart d’un éventuel accord, même si elle est directement concernée par ce petit arrangement entre « amis ». Bien sûr, Kiev n’entrera pas dans l’Otan, bien sûr Poutine fera tout pour renverser Zelensky, bien sûr les États-Unis feront du business as usual pour la reconstruction de l’Ukraine si une entente aux relents d’accord de Munich devait intervenir. On ne peut que se réjouir - et espérer - que les armes se taisent enfin, mais sans oublier que dans cette affaire le droit international aura une nouvelle fois été bafoué, ce qui ne semble pas troubler le sens de la « morale » démontré par Trump et Poutine.
« Show must go on »… À l’opposé de la pompe déployée lors des obsèques du pape François, les Américains, Russes et Ukrainiens auront eu l’occasion ce week-end de se rencontrer directement à Rome. Ils y ont mené des discussions qui, pour avoir été « informelles », n’en furent sans doute pas moins « productives ». Comme cet échange assez surréaliste entre Trump et Zelensky discutant en pleine basilique Saint-Pierre. Ce moment, qui entrera dans les livres d’histoire, aurait sans doute été apprécié par le défunt pontife, un homme de paix, de justice, attentif aux pauvres : autant dire un extraterrestre dans notre bas monde. Le faste déployé lors de ses obsèques a montré urbi et orbi les efforts que l’Église doit encore accomplir pour être aussi humble que François le souhaitait.
À Gaza, rien de nouveau. Des bombardements, des victimes surtout civiles, le déplacement de populations qui n’ont aucun endroit sûr pour se réfugier, le blocus de l’aide humanitaire internationale qui ne peut plus entrer sur le territoire pour livrer médicaments et nourriture. Ce n’est pas encore demain que l’on verra la fin de la faim.
Dans son chef-d’œuvre visionnaire « Orange mécanique », Stanley Kubrick imaginait un monde de violences d’autant plus terrifiantes que gratuites. Il avait malheureusement raison. Chaque semaine apporte son lot de terribles nouvelles, et pas seulement à l’autre bout du monde, qui révulsent notre sensibilité, avant que ces faits divers ne soient recouverts par le temps qui passe et le voile de l’oubli. Migrants dont le crime est de chercher un monde seulement vivable, noyés par centaines dans la Manche ou dans notre Méditerranée, élèves harcelés sur les réseaux sociaux, jeunes abattus pour un point de deal, victimes collatérales… La liste, sinistre à souhait, est infinie et dans la réalité, contrairement à « Orange mécanique », il n’y a pas la beauté de la musique de Beethoven pour mettre du baume sur nos blessures de l’âme.
Jean-Michel CHEVALIER