16 mai 2025
Tout le weekend se tiendra le Nice Beer Festival,, l’occasion de faire un état des lieux du secteur brassicole qui compte une quarantaine de structures entre le Var et les Alpes-Maritimes. En 2024, en France, 250 établissements ont fermé, soit 10 % des brasseries recensées.
L’activité n’a pas été épargnée par la flambée des prix des matières premières et la baisse du pouvoir d’achat. « Le verre a pris entre 30 et 40 % d’augmentation, la sécheresse a impacté les récoltes d’orge. C’est nous qui devons absorber ces hausses de tarifs car on ne peut pas se permettre d’augmenter le prix de nos bières », constate Edwards Dilly vice-président de la BIAM (Brasseries indépendantes azuréennes et maralpines), qui évoque les difficultés mais également la structuration de la filière pour résister aux aléas de la conjoncture. Depuis sa création en 2017, la BIAM s’est étoffée et compte désormais 14 adhérents. Elle s’est notamment ouverte sur l’Est varois. L’état d’esprit des brasseurs reste l’union autour de projets locaux. « Depuis deux ans, une quarantaine de sociétaires (agriculteurs, brasseries, collectivités) s’est regroupée pour créer une malterie dans le 04 à Sisteron et amorcer une filière 100 % régionale. On voudrait également aider les agriculteurs à valoriser leur blé en le transformant en malte. » Edwards Dilly a confiance dans cette stratégie d’ancrage régional. Les 14 brasseries de la BIAM emploient 64 salariés. En France, en cinq ans, la consommation de bière artisanale est passée de 2 à 8 %. La brasserie artisanale, c’est 7 % des produits vendus et 80 % des emplois de la filière brassicole. Les brasseurs indépendants innovent perpétuellement pour maintenir le cap. Ce que résume Edwards Dilly en quelques mots : « Notre force, c’est notre souplesse. »
« Notre idée, c’est d’appliquer le modèle du vigneron pour le transposer à la bière. Utiliser nos matières premières pour mieux faire nos produits. » Aymeric Branda, cofondateur de À La Fût, se définit aujourd’hui comme un agriculteur-brasseur. Tout a commencé dans une cave de 20 m2 en 2018 à Cagnes-sur-Mer. Aymeric travaille alors dans l’ingénierie nucléaire et son associé, Joffrey Micelli, dans la biologie marine. Ils brassent dans des marmites une centaine d’hectolitres. Sept ans plus tard, changement de décor et de volume : dans un espace de 350 m2 à Mouans-Sartoux, la production atteint désormais les 2 000 hectolitres. « La bière doit rester un produit local, on a besoin d’être là où on la boit », assure Aymeric Branda. Forts de ce constat, les fondateurs de À La Fût ont souhaité des ingrédients 100 % bio et 100 % locaux, ce qui les a incités à endosser l’habit du paysan. Et sur la carte des exploitations agricoles de la région PACA, ont poussé, du côté d’Aix-en-Provence, 24 hectares d’orge Planet (une variété adaptée au sud de la France) et dans le Val de Cagne, un hectare d’une plante herbacée méconnue dans la région : le houblon. Contrôler le premier maillon de la chaîne de fabrication est une façon de maîtriser les coûts : « Depuis 2024, la récolte en orge a permis d’être autosuffisants ; pour le houblon, on sera peut-être autonomes dans un an », se réjouit Aymeric. Récemment, les brasseurs ont également pris des parts dans une malterie du côté de Sisteron.
À La Fût s’est déployée aux quatre coins de la région en délimitant ainsi son périmètre de distribution. La bière ne voyagera pas plus loin que les frontières de Provence-Alpes-Côte d’Azur et une autre idée a germé. Parce qu’ils ne laissent rien au hasard, ils sont à la fois aux champs, sur la route, pour faire connaître leurs produits, au pied des cuves de leur brasserie, à l’embouteillage et au pub qu’ils ont ouvert dans l’enceinte de la brasserie. « Les gens aiment venir boire à la source. C’est un vecteur de communication, ils viennent passer un bon moment, écouter de la musique et acheter nos produits. » Cette stratégie semble fonctionner. Aujourd’hui, À La Fût emploie cinq salariés et s’appuie sur un chiffre d’affaires de 550 000 euros, contre 80 000 il y a 7 ans : « On grandit de manière raisonnée. »