12 mai 2025
Les experts intervenant pour les juridictions administratives ont longtemps été désignés à la lecture des listes judiciaires. Le Conseil d’État a fait évoluer ses textes très rapidement et, dès le 22/02/2010, de nouvelles procédures expertales étaient applicables selon le décret n° 2010-164.
La juridiction administrative, en application du décret n° 2013-730 du 13/08/2013, s’est dotée d’un tableau d’experts inscrits près les Cours administratives d’appel et les tribunaux administratifs du ressort. Les critères de compétence ont été définis par M. le Vice-Président du CE sur le formulaire de demande d’inscription (arrêté du 19 novembre 2013 - annexe I).
Ces procédures évoluent au fil des décrets et arrêtés que nous présentons régulièrement aux experts, ainsi que dans le guide que nous avons rédigé ou lors des formations obligatoires.
C’est ainsi qu’à la suite de la parution du décret n° 2023-468 du 16 juin 2023, de l’arrêté du 18 juin 2023 (concernant la nomenclature) et de l’arrêté du 30 novembre 2023 (relatif aux modalités de communication par voie électronique), les procédures de l’expertise devant les juridictions administratives ont été modifiées.
Expert près la Cour d’appel d’Aix en Provence et de la CAA de Marseille
PHD in civil engineering-Ing – EURING - Certificat compétence COFRAC – Labellis - inscrit RIS IESF
Passé Président de la commission administrative du Conseil national des compagnies d’experts de justice (CNCEJ)
Quelques rappels sur l’expertise administrative afin que les experts comprennent mieux les attentes du magistrat et évitent l’amalgame entre les deux ordres juridictionnels.
L’expert intervenant en matière administrative doit impérativement connaître le fonctionnement des services de l’État : ministères, préfectures, Trésor public, collectivités locales (publiques, territoriales), domaine de la santé, mairies, délégataires de services publics, loi Montagne, loi Littoral, etc. Ceci est important car l’expert administratif peut se voir confier une mission de médiation selon l’article R.621-1. Tous les intervenants, tel que le Trésor public, doivent intervenir dans les débats. L’ambiguïté entre une mission de médiation et une conciliation a été clarifiée par le décret du 18 avril 2017, qui introduit un chapitre complet dans le CJA concernant les bonnes pratiques d’une médiation. Le décret du 16 juin 2023 a modifié l’article R.621-7-2, concernant la conciliation qui peut intervenir entre les parties, privant la mission d’expertise de son objet. C’est le cas en matière d’édifices menaçant ruine, selon l’ordonnance du 16/09/2020 et le décret n° 2020-1711 du 24 décembre 2020, qui ont considérablement modifié l’arsenal juridique mis à la disposition des maires, notamment pour faire face aux problématiques de sécurité et de salubrité des immeubles sur leur territoire. Cette réforme s’inscrit dans le cadre d’une volonté politique de lutte contre l’habitat indigne.
Une expertise particulière, nommée « référé préventif », est spécifiquement prévue pour l’exécution de travaux publics menés pour constater l’état des immeubles avoisinants avant et durant ces travaux réalisés dans l’intérêt général. Cette procédure a été modifiée par le décret du 16 juin 2023 selon l’article R.532-1-1. L’expertise administrative est cependant le plus souvent sollicitée et prescrite par le biais d’une procédure de référé se déclinant sous deux formes : le référé-constat et le référé-instruction. L’élément central et incontournable des expertises administratives - qu’elles soient prescrites « avant dire droit » ou en référé - est l’utilité de la mesure. Le délai comme le respect de la contradiction sont les lignes de conduite que doivent suivre les experts dans le cadre de leurs missions.
L’expert intervenant en matière administrative doit consigner dans son rapport l’ensemble des observations faites par les parties au cours des opérations, en vertu de l’article R.621-7, alinéa 2 du Code de justice administrative.
L’expert doit s’appuyer sur le juge : il revient au magistrat, conformément au caractère inquisitorial de la procédure, de diriger l’instruction. Il est d’ailleurs à noter la possibilité - prévue à l’article R.621-1-1 du Code de justice administrative - d’instituer « un magistrat chargé des questions d’expertise et du suivi des opérations d’expertise », qui est le pendant du juge chargé du contrôle des expertises en matière judiciaire.
Le juge a aussi la possibilité - prévue à l’article R.621-8-1 du Code de justice administrative - d’organiser une ou plusieurs audiences d’expertise, au cours desquelles pourront « être examinées, à l’exclusion de tout point touchant au fond de l’expertise, les questions liées aux délais d’exécution, aux communications de pièces, au versement d’allocations provisionnelles ou, en matière de référés, à l’étendue de l’expertise ».
Le juge des référés ayant ordonné l’expertise peut notamment la faire évoluer en vertu de l’article R.532-3 du Code de justice administrative, modifié le 16 juin 2023. Il peut la faire évoluer soit en l’étendant « à des personnes autres que les parties initialement désignées », y compris des personnes privées (sous-traitants ou assureurs…), conformément au principe d’unicité de l’expertise ; soit le cadre de la mission peut également être étendu ou même réduit à tout moment de l’expertise, à la seule condition que l’expert lui en fasse la demande. Les parties ne peuvent, quant à elles, formuler de telles demandes d’extension ou de réduction de l’expertise que dans un délai de deux mois à compter de la première réunion à laquelle elles ont été convoquées (modification de l’article R.532-3 du CJA selon décret du 16/06/2023).