L’Edito hebdo de JMC - L’écume des jours


Politique


23 mai 2025

Que se cache-t-il derrière le fleuve de nos indifférences s’interroge JMC cette semaine

Jolies robes, smoking, clic-clac. Les photos des stars du Festival font rêver dans les chaumières. Elles apportent une touche glamour à une époque qui l’est fort peu, et sans doute une parenthèse d’évasion salvatrice dans notre sinistrose ambiante. Ce défilé des vanités fait oublier quelques instants le sort des malheureux qui se noient en mer derrière le tapis rouge. Juste pour survivre, car chassés par la guerre, la corruption, la faim... Bien sûr, lorsque les projecteurs seront éteints et que les vedettes seront reparties à bord de leurs jets privés, la vie ‘ordinaire’ reprendra comme avant. Après les grandes déclarations aussi bien intentionnées qu’inutiles, et parfois indécentes avec ces toilettes de haute couture et ces rivières de diamants onéreuses, qui ne réussissent pas à cacher le fleuve de nos indifférences.


Éric Ciotti et son groupe UDR ont déposé une proposition de loi à l’Assemblée pour
« protéger l’effectivité du droit fondamental de l’éligibilité  ». Derrière cet intitulé technique, la volonté du député azuréen que les élus sanctionnés par un tribunal ne soient pas ‘victimes’ d’une « application immédiate » de leur condamnation, ce qui les dépossède de leur mandat par la seule volonté des juges, avant même qu’ils aient pu faire appel. Marine Le Pen, l’ancien maire de Toulon Hubert Falco, et la maire de La Seyne-sur-Mer Nathalie Bicais ont, parmi d’autres, déjà fait les ‘frais’ de cette disposition de la loi Sapin II contre la corruption. La proposition UDR sera étudiée le 27 juin. Elle devrait faire l’objet de beaucoup de commentaires sur la sévérité de la justice et sur les conséquences ‘politiques’ de l’application de ses décisions. Mais, au final, pour que les Français ne se détournent pas davantage de la vie publique, il faut bien sûr que «  la femme de César soit irréprochable », et que ceux qui sont pris la main dans le pot de confiture soient sévèrement condamnés.


Nous l’avons déjà écrit ici : les hommes politiques candidats à un nouveau mandat s’épuisent à nous expliquer les mesures urgentes absolument indispensables pour sauver le pays, mesures qu’ils n’ont bien sûr pas mises en pratique lorsqu’ils étaient eux-mêmes au pouvoir. À droite comme à gauche, les exemples sont légion de ces petits renoncements, de ces promesses klaxonnées mais non tenues, de ces rasages de barbe qui seront gratuits... demain. La présidentielle a déjà commencé, les candidats sont en embuscade, prêts à s’entredévorer pour convaincre le petit chaperon rouge de leur faire confiance, en partageant la galette promise à Mère-grand et confectionnée après beaucoup de travail et de sacrifices…


La transparence est nécessaire dans la vie publique, mais un excès de transparence peut aussi conduire à la tyrannie. Ainsi, cette initiative pour le moins curieuse de l’eurodéputée LFI Leïla
Chaibi
qui s’est autorisée à ouvrir les boîtes aux lettres de certains de ses collègues français pour alimenter les vidéos sur le quotidien de sa vie de parlementaire qu’elle publie sur Instagram. Devant douze personnes tirées au sort, elle fait un inventaire (au résultat décevant, pas de liasses de billets, pas de bouteilles de champagne...) du casier de Jordan Bardella, de Raphaël Glucksmann et de François-Xavier Bellamy, entre autres. Finaude, elle explique que les vraies boîtes aux lettres privées sont à l’étage, que celles qu’elle ouvre devant sa caméra sont celles mises à disposition des lobbies, et qu’elle ne lit pas le courrier (encore heureux…). Cette « perquisition » est assortie en commentaire d’un procès d’intention : « imagine les dingueries qui s’y passent », insinue-t-elle au sujet des boîtes privées. « Dinguerie », en effet, et méthode répugnante.
Il y a quand même des moyens plus nobles de faire de la politique.


Jean-Michel Chevalier