26 mai 2025
Pour être rentables, les entreprises du bâtiment et des travaux publics doivent être particulièrement vigilantes sur les indicateurs clés. Encore faut-il les connaître. Jean-Michel Laidin, associé Walter France, explique comment les entrepreneurs de ce secteur très compétitif peuvent tirer leur épingle du jeu.
La première analyse incontournable consiste à être capable de ventiler son chiffre d’affaires entre la partie matériau et la partie main-d’œuvre. Cette distinction permettra de pouvoir faire ensuite les analyses nécessaires.
Les entreprises du bâtiment, comme toutes les entreprises d’ailleurs, doivent impérativement connaître et analyser leur taux de marge brute. Qu’est-ce que la marge brute ? Dans le secteur du BTP, c’est le chiffre d’affaires global, duquel on soustrait la sous-traitance et le coût des matériaux. C’est ce qui permet de savoir si l’entreprise va pouvoir générer du bénéfice, ou pas. L’évolution de cet indicateur permet de comprendre ce qui s’est passé dans l’entreprise. Si cette marge brute augmente ou baisse, encore faut-il connaître les raisons de cette fluctuation. Les premières questions à se poser sont les suivantes : y a-t-il eu davantage de matériau acheté que l’année précédente ? A-t-il été mieux ou moins bien acheté ? A-t-il été mieux ou moins bien refacturé ?
Il existe une manière très simple de calculer le chiffre d’affaires réalisé grâce à la main-d’œuvre. En effet, les entreprises ne peuvent pas tellement « jouer » sur les matériaux, qu’elles doivent de toute manière acheter, et revendre avec une marge. Si un artisan décide d’appliquer une marge de 10 %, très logiquement, en ajoutant 10 % au montant des achats des matériaux, il obtient le chiffre d’affaires matériau. Il suffit donc de soustraire ce chiffre d’affaires matériaux du chiffre d’affaires global pour obtenir le chiffre d’affaires main-d’œuvre.
Comment analyser ce chiffre d’affaires réalisé grâce à la main-d’œuvre ? Le patron est censé appliquer un taux horaire suffisant pour couvrir le coût chargé de sa main-d’œuvre, c’est-à-dire incluant les charges sociales patronales et salariales. Le chiffre d’affaires main-d’œuvre divisé par le nombre d’heures passées sur le chantier permettra de connaître le prix de l’heure effectivement facturé.
La comparaison entre le taux horaire théorique et le taux horaire réellement facturé aux clients est souvent très instructive. Si ce dernier est plus bas, l’entrepreneur devra analyser les raisons de l’écart. Cela peut révéler des problèmes d’organisation ou de rendement.
Le rapport entre le nombre d’heures effectivement facturées par rapport au nombre d’heures travaillées ne doit pas être inférieur à 80 %. Cette « déperdition » relativement inévitable est due aux imprévus, aux tâches qui prennent plus de temps que prévu, etc. L’entrepreneur doit bien évidemment avoir pour objectif permanent de la réduire au maximum.
Pour ce faire, l’entrepreneur doit surveiller de très près tous les indicateurs.
Il convient donc, pour les matériaux, de bien définir son taux de marge et de l’appliquer. Certes, la réalité peut être différente : par exemple un devis revu à la baisse pour remporter un marché, ou des prix de matériau qui ont augmenté entre l’établissement du devis et le début du chantier ; surtout lorsque l’on sait que le temps écoulé entre le devis et le chantier peut être très long, de plusieurs mois, voire plus d’un an. La mention concernant la durée de validité du devis, en ces temps de fluctuation forte des prix des matériaux, peut être très judicieuse, à condition, comme toujours, de bien l’expliquer au client ou au prospect en amont si on veut avoir des chances qu’il accepte une revalorisation au moment de signer.
Sur le coût horaire, l’entreprise doit connaître précisément le « coût plancher » en-dessous duquel il ne peut pas descendre, et la marge qu’il veut réaliser. Bien évidemment, il devra se positionner par rapport à la concurrence et disposer d’une marge de manœuvre, mais sans jamais sacrifier sa rentabilité minimale.
Une autre solution consiste à définir un prix au m2, au mètre linéaire, en m3 pour les sacs, ou encore en palettes, selon l’activité. Par exemple, pour poser un mètre carré de carrelage, il est intéressant d’étudier quelle est la dose de colle nécessaire, le temps à passer, etc, afin de disposer de ces standards.
Après avoir établi un devis avec la méthode des matériaux et du temps passé, l’entrepreneur pourra le comparer à cette dernière méthode pour vérifier la cohérence de ses prix.
L’artisan est par nature consciencieux ! Il veut donner satisfaction à son client. Si bien monter un mur et poser le carrelage droit sont des pré-requis indiscutables, attention en revanche aux nouvelles demandes du client en cours de chantier, ou à des exigences de dernière minute qui peuvent faire totalement déraper la rentabilité.
Pour Jean-Michel Laidin : « L’entrepreneur doit avoir le souci constant de sa rentabilité et être capable d’analyser finement ses coûts et sa marge. Quant à la satisfaction client, c’est très louable, mais cela ne doit pas être fait « coûte que coûte ». Si la qualité doit être au rendez-vous, la rentabilité aussi ! »