À Port Grimaud, une nouvelle gouvernance pour une unité renforcée


Politique


2 juillet 2025

Port Grimaud, village lacustre emblématique, vient de connaître un tournant significatif dans sa gestion.

Lors du week-end de Pâques, les trois Associations Syndicales Libres (ASL) qui administrent ce territoire ont tenu leurs assemblées générales, entraînant un renouvellement de gouvernance au sein de deux des trois structures. Avec 1 950 lots concernés sur un total de 2 500, c’est un changement majeur qui s’opère pour les ASL Port Grimaud 1 et Port Grimaud 2. Philippe de Saint Rapt prend la tête de Port Grimaud 1, tandis qu’Henri Sallé est élu président de Port Grimaud 2. Toutefois, les trois ASL restent résolument engagées dans une coopération étroite.


L’interview de notre envoyé spécial à Port Grimaud, Pierre Bégliomini.

Cette nouvelle gouvernance implique-t-elle un changement de stratégie pour Port Grimaud et quelle est votre vision de Port Grimaud dans son ensemble ?

 Henri Sallé : Ma candidature répond à une forte demande des propriétaires. Jusqu’à présent, les trois ASL travaillaient séparément, mais nous avons amorcé, depuis Pâques, une coordination plus poussée avec des réunions régulières entre les trois présidents.

Philippe de Saint Rapt, vous avez été élu à la présidence de Port Grimaud 1. Comment envisagez-vous votre mandat ?

 Philippe de Saint Rapt : Henri Sallé a su réunir les bonnes compétences lors de la concertation menée par la commune. De mon côté, étant membre du conseil syndical, j’ai été élu naturellement dans la continuité de mon engagement.

Vers une gestion harmonisée

Quels sont les principaux objectifs que vous vous êtes fixés pour cette nouvelle gouvernance ?

 Henri Sallé : Les propriétaires souhaitent des ASL transparentes et à leur écoute, ainsi qu’une véritable coopération entre elles. Nos objectifs incluent des réunions fréquentes, des communiqués communs et une présence conjointe aux discussions.

Vous évoquez une unicité territoriale, pouvez-vous préciser cette idée ?

Philippe de Saint Rapt : Nous partageons une unicité de territoire et un mode de vie semblable. Nos trois ASL sont avant tout des entités de gestion d’un territoire unique : Port Grimaud.
Une communauté unie

Au-delà de la gestion, ressentez-vous une volonté des habitants d’affirmer une identité commune ?

Henri Sallé : Tout à fait. Les résidents veulent dépasser les simples aspects administratifs pour former une véritable communauté. Ils tiennent à éviter une séparation artificielle entre quartiers et à renforcer l’unité et la solidarité.

Gérer 2 500 propriétaires, c’est presque comme administrer une commune entière. Comment abordez-vous cette complexité ?

Philippe de Saint Rapt  : Effectivement, nous dépassons la taille de nombreuses communes françaises, avec une population estimée entre 10 000 et 15 000 habitants. Il faut donc segmenter la gestion selon les spécificités géographiques de chaque quartier. Port Grimaud 1 accueille le tourisme et les visiteurs, Port Grimaud 3 reste un espace résidentiel, et Port Grimaud 2 se situe à mi-chemin entre les deux. Cette diversité nécessite des politiques adaptées, mais avec une coopération croissante, notamment en matière de sécurité et de prévention.

Précisément, quels sont les projets concrets déjà mis en place dans ce cadre ?

Philippe de Saint Rapt : Nos services coordonnent désormais leurs efforts avec des exercices communs en matière de sécurité et de prévention. C’est une avancée majeure qui renforce notre cohésion et notre efficacité. Ainsi, la nouvelle gouvernance mise en place cherche non seulement une meilleure gestion, mais aussi à renforcer le lien entre les habitants, assurant à Port Grimaud une cohésion et une dynamique renouvelées.

Les défis des nouvelles présidences

Vous avez récemment été élus à la présidence de vos ASL respectives. Quels sont vos principaux défis ?

 Henri Sallé : Les propriétaires de Port Grimaud 2 ont exprimé leur volonté de moderniser l’ASL et de garantir une transparence accrue. Nous allons désormais consulter systématiquement les résidents avant tout projet, pour leur montrer que l’ASL est avant tout à leur service.

Quelles sont les priorités de votre mandat ?

 Henri Sallé : Elles reposent sur trois axes. Le premier concerne le respect de ce que nous appelons « la loi des colotis », qui régit nos statuts et cahiers des charges. Elle assure la préservation du cadre de vie et la défense des droits immobiliers des propriétaires.
 Philippe de Saint Rapt  : Le deuxième axe est la coopération entre les trois ASL. Nous partageons de nombreux intérêts communs, notamment en matière de qualité de vie et de services aux résidents. Une meilleure coordination permettra d’optimiser la gestion et d’améliorer l’accueil des propriétaires.
 Henri Sallé  : Enfin, nous souhaitons poursuivre une démarche de développement durable, avec un accent sur la mobilité douce. Nous encourageons les déplacements à vélo et la mise en place de navettes électriques pour éviter l’usage excessif des véhicules motorisés.
Une nouvelle approche de négociation pour résoudre les conflits avec la municipalité

La relation entre les ASL et la municipalité a parfois été tendue. Comment comptez-vous gérer ces désaccords ?

) Henri Sallé : Ce que les propriétaires m’ont demandé en m’élisant, c’est d’éviter de nouvelles procédures judiciaires inutiles. Cela ne signifie pas céder sur tout, mais plutôt chercher des solutions équilibrées. Nous devons présenter clairement nos besoins et nos spécificités pour être entendus dans les négociations.
 Philippe de Saint Rapt  : Un changement de méthode s’installe dans les relations avec la municipalité. Plutôt que d’entrer dans une logique de conflit systématique, nous privilégions un dialogue ferme, mais ouvert.
 Henri Sallé : L’objectif est de sortir des anciens schémas où certains bloquaient les discussions, tandis que d’autres étaient prêts à tout accepter. Nous voulons afficher une volonté de négociation, mais avec vigilance sur le respect des droits et de la vie quotidienne des résidents.

Trouver des solutions pérennes

Les propriétaires semblent très impliqués dans ces discussions. Comment intégrez-vous leurs attentes ?

 Henri Sallé  : Les habitants nous ont mandatés pour discuter avec la municipalité, mais ils ont aussi défini des « lignes rouges ». Il y a quatre points clés que nous ne pouvons pas négliger. Nous devons garantir que les propriétaires soient entendus et que leurs droits soient respectés.
 Philippe de Saint Rapt  : Nos trois ASL ont souvent les mêmes intérêts. Lorsqu’une procédure est engagée par l’une, les autres suivent en général le même mouvement. Plutôt que d’accumuler des litiges, nous voulons trouver rapidement des solutions durables.

Une dynamique de dialogue

Vous insistez sur l’idée de ne pas céder, mais sans aller dans la confrontation directe. Quelle est votre stratégie ?

 Henri Sallé : Il faut instaurer un vrai processus de discussion. Notre objectif est de parvenir à un accord équitable dans le cadre d’une nouvelle dynamique de nos relations avec la municipalité.
Philippe de Saint Rapt. Nous avons mis en place des équipes dédiées pour travailler sur divers sujets avec la mairie. Il ne s’agit pas seulement de communication, mais de vraie collaboration, dans le respect du droit et des usages de la communauté.

Allier fermeté et ouverture

En résumé, votre approche vise à éviter les conflits tout en restant ferme sur vos positions ?

 Henri Sallé : Exactement. Nous affichons une volonté de négocier, mais sans capituler. Nous voulons rassurer les propriétaires sur notre engagement et démontrer à la municipalité que nous cherchons une solution équilibrée et conforme aux intérêts de Port Grimaud.
Port Grimaud, une cité lacustre unique : entre terre et eau
Située au cœur du golfe de Saint-Tropez, Port Grimaud est une cité lacustre emblématique, où la terre et l’eau cohabitent en parfaite harmonie.

Port Grimaud est souvent décrit comme un lieu atypique. Selon vous, qu’est-ce qui définit son caractère unique ?

 Henri Sallé : Port Grimaud repose sur une fusion parfaite entre la terre et l’eau. D’un côté, nous avons des rues où l’on se déplace à vélo, de l’autre, des canaux qui constituent nos voies principales de circulation. Ici, la vie se fait sur l’eau : aller chez le coiffeur, au marché ou rendre visite à un voisin, cela se fait en barque.
 Philippe de Saint Rapt  : C’est une cité lacustre avant tout, et non un port. Nos canaux ne sont pas des zones portuaires, mais des axes de circulation. Chaque résident dispose d’un espace de stationnement devant sa maison, ce qui est essentiel pour préserver notre mode de vie.

Un équilibre menacé

Avec l’évolution de la réglementation portuaire, certains résidents s’inquiètent de la transformation des canaux. Pouvez-vous nous en dire plus ?

  Henri Sallé : Oui, c’est une grande préoccupation. On observe une tendance à vouloir normaliser la circulation sur les canaux avec des réglementations strictes, comme si ces voies devenaient des autoroutes. Pour nous, c’est une catastrophe ! Les canaux sont le cœur battant de notre cité, ils ne peuvent pas être assimilés à une infrastructure routière.
 Philippe de Saint Rapt : Il faut comprendre que Port Grimaud fonctionne comme une véritable commune lacustre, avec ses propres services : sécurité, médecins, pharmacies et commerces. Tout est pensé pour que la vie ici soit tournée vers l’eau.

Une architecture remarquable et préservée

Outre son urbanisme unique, Port Grimaud possède une architecture très spécifique. Pouvez-vous nous en dire plus ?

 Henri Sallé : Port Grimaud a été reconnue comme un patrimoine remarquable de l’architecture contemporaine. C’est un style provençal authentique, où chaque maison est unique. Même les couleurs sont réglementées : aucun propriétaire ne peut modifier la teinte de sa façade, car cela fait partie de la préservation de l’harmonie architecturale.
 Philippe de Saint Rapt  : Nous tenons à défendre ce contexte architectural. Il ne s’agit pas simplement d’esthétique, mais d’identité. La diversité des bâtisses et leur intégration dans le paysage font partie de l’âme de Port Grimaud.

En parlant de patrimoine, il semble que l’église de Port Grimaud possède une particularité exceptionnelle. Pouvez-vous nous en parler ?

 Henri Sallé  : Oui, l’église de Port Grimaud abrite une œuvre unique : les vitraux créés par Victor Vasarely. Ce sont les seuls vitraux réalisés par cet artiste. Ils donnent à notre cité une touche artistique et symbolique forte. Ces vitraux pourraient bientôt être classés comme patrimoine, ce qui témoignerait de leur valeur artistique et historique.

Un environnement unique à préserver

En plus de son aspect architectural, Port Grimaud possède un écosystème particulier. Pouvez-vous nous en parler ?

 Henri Sallé : Port Grimaud est situé en bordure d’estuaire, ce qui lui confère une dynamique unique entre eaux douces et salées. Grâce aux marées et aux flux du fleuve Giscle, l’eau alterne entre douce et salée, créant un habitat exceptionnel où certaines espèces de poissons apparaissent à des heures précises selon la variation des courants.
 Philippe de Saint Rapt : Nous ne sommes pas des écologistes militants, mais nous tenons à préserver ce fragile équilibre. Notre cité est vivante, elle évolue avec son environnement, et c’est cette particularité qui en fait toute sa richesse. Port Grimaud n’est donc pas qu’un simple village balnéaire, mais une véritable cité lacustre, où l’eau est au cœur de la vie quotidienne. Une spécificité précieuse que ses résidents souhaitent préserver, face aux évolutions qui pourraient mettre en péril cette identité unique.

Port Grimaud amorce donc une nouvelle ère de dialogue, avec une volonté affichée de trouver des accords sans renier ses fondamentaux. Reste à voir comment cette approche sera accueillie par la municipalité dans les mois à venir.

Propos recueillis par Pierre BELGLIOMINI, envoyé spécial à Port Grimaud.


Gilles Carvoyeur