CROEC PACA : « La confiance se gagne en gouttes et se perd en litres »


Finance


1er août 2025

Rencontre avec Nicolas Férand, président du Conseil régional de l’Ordre des experts-comptables

Le président du Conseil régional de l’Ordre des experts-comptables, Nicolas Férand, analyse les récents résultats d’une enquête sur la confiance menée auprès d’entreprises de la région Sud.

Comment s’est déroulé votre 12e congrès régional qui a eu lieu à Marseille les 17 et 18 juillet ?

 Nous avons accueilli 1 500 personnes sur les deux jours, cela correspond à ce qu’on attendait. Nous avons eu des experts comptables, des collaborateurs, des stagiaires experts-comptables et des étudiants. C’est un moment qui permet de prendre la température de la profession dans son ensemble. Nous avons une profession qui est un peu à la croisée des chemins et je pense qu’on ne peut pas se permettre de laisser de côté les jeunes car ils incarnent la relève, l’intelligence artificielle... Je trouve important de les associer à nos réflexions. […] Ils n’ont plus les mêmes attentes que ceux d’il y a 10 ou 20 ans. Ils ont une vision différente de l’équilibre entre vie professionnelle et vie personnelle et ils veulent donner du sens à leur vie. Pour eux, le CDI n’est plus le graal. Ils veulent un travail dans lequel ils se sentent bien, épanouis et n’acceptent pas, ou alors dans de très rares cas, que la vie professionnelle déborde sur la vie personnelle. Donc, il faut que l’on s’adapte à ces nouvelles attentes parce que c’est un métier qui déborde souvent. Nous recevons de nos clients des e-mails, des appels, des SMS, des Whatsapp, des messages sur les réseaux sociaux et il faut que ça aille vite. Je peux comprendre que les jeunes n’aient pas envie que le client les dérange à 18h30 alors qu’ils sont passés à autre chose.

1 500 participants au dernier congrès régional ©CROEOC PACA

Le thème de ce congrès était la confiance, avec le dévoilement des résultats d’une enquête auprès de vos clients. Alors, vous font-ils confiance ?

Nicolas Férand ©CROEC PACA


 Oui, à plus de 95 % (85 % « totalement » et 11 % « oui, plutôt »). Ils nous font confiance aujourd’hui mais il faut qu’ils nous fassent confiance demain. La confiance se gagne en gouttes et se perd en litres. L’objet du sondage (mené auprès de 202 entreprises, entre mai et juin, en partenariat avec l’Institut Symbial, NDLR) était également de savoir ce que les entreprises attendent de nous dans le futur. Nous avons eu une petite surprise au sujet de la facturation électronique. Plus des deux tiers des consœurs et confrères présents au congrès la voient comme une attente nécessaire de la part des entreprises alors que ces dernières ne nous attendent sur ce sujet que pour un tiers des sondées. Les entreprises savent que la facture électronique est un passage obligé et que nous allons gérer. Pour les clients, ce n’est pas ce qui va déterminer le choix d’un expert-comptable. Ils nous attendent plus sur de l’accompagnement à la transmission d’entreprise, sur de la gestion de patrimoine du dirigeant et sur des choses plus prospectives, comme la comptabilité prédictive, les tableaux de bord et la gestion de trésorerie.

Au sujet de la trésorerie justement, quels conseils pouvez-vous donner aux entreprises qui souffrent à cause de l’allongement des délais de paiement ?

 Il est possible d’avoir recours à des découverts bancaires, à des crédits pour les investissements. Et je pense qu’il ne faut pas hésiter, en tout cas pour ceux qui font du BtoB, à aller voir son banquier pour lui poser des questions sur des solutions d’affacturage (moyen pour une entreprise de renforcer sa trésorerie en cédant ses factures en attente de règlement à une société, NDLR).

Où en êtes-vous de vos réflexions sur l’intelligence artificielle ?

 Nous sommes nombreux à avoir un degré de maturité plutôt avancé sur le maniement de l’IA au-delà du fait de poser une question à Chat GPT ou Mistral AI. Nous avons conscience que si nous la maitrisons, nous pouvons faire beaucoup de choses et proposer beaucoup de services à nos clients. Aujourd’hui, je pense qu’on a réellement besoin de se doter d’un moteur IA propre à notre profession, notamment pour sécuriser les données. C’est un enjeu parce que nous sommes soumis au secret professionnel, il ne faut pas l’oublier.


Sébastien Guiné