16 septembre 2025
Un outil intéressant mais qui implique également des responsabilités juridiques, fiscales et patrimoniales
Souvent utilisé par les dirigeants et les associés de TPE et PME pour renforcer la trésorerie de leur entreprise sans modifier la structure du capital, le compte courant d’associé est un levier de financement interne souple et efficace. Mais entre opportunités fiscales et règles strictes à respecter, son usage doit être soigneusement encadré. Décryptage par Bertrand Sers, associé fiscaliste Walter France.
Pour Bertrand Sers : « Le compte courant d’associé, souvent méconnu ou sous-exploité, mérite toute l’attention des dirigeants et associés de PME, TPE ou SCI. À condition d’en maîtriser les règles et les subtilités, il constitue un véritable levier de financement et d’optimisation fiscale, à intégrer pleinement dans la stratégie de gestion et de rémunération de l’entreprise. »
Dans les sociétés commerciales (SARL, SAS, SA), le compte courant d’associé permet à un associé de prêter des fonds à l’entreprise sans passer par une augmentation de capital. C’est une solution intéressante, notamment pour franchir un cap difficile en renforçant la trésorerie, ou pour faciliter l’obtention d’un financement bancaire.
Contrairement à une augmentation de capital, ce mécanisme n’a aucun effet dilutif : la répartition du capital reste inchangée, tout comme les droits de vote. Ainsi, un associé minoritaire peut soutenir financièrement la société sans pour autant obtenir davantage de pouvoir décisionnel.
L’un des principaux attraits du compte courant d’associé réside dans la possibilité de le rémunérer par des intérêts. Ce dispositif présente un double avantage fiscal :
– Pour la société, les intérêts versés sont déductibles du bénéfice imposable dans la limite des plafonds publiés mensuellement par l’administration fiscale. En clair, cela réduit l’impôt sur les sociétés (IS) à hauteur de 25 % du montant des intérêts.
– Pour l’associé, ces intérêts sont considérés comme des revenus de capitaux mobiliers. Ils sont soumis à la flat tax de 30 % (prélèvement forfaitaire unique), sauf option pour le barème progressif de l’impôt sur le revenu si celui-ci s’avère plus favorable.
Avec la hausse des taux d’intérêt depuis 2022, la rémunération des comptes courants est redevenue très attractive. L’administration fiscale publie régulièrement les taux plafonds admis en déduction des résultats imposables des sociétés. À titre d’exemple, pour une clôture au 30 juin 2025, le taux plafond est de 5,32 %. Cela permet à l’associé de percevoir un revenu net intéressant, tout en générant une économie d’impôt pour la société.
L’intérêt versé à l’associé est de 5,32 et génère donc une économie immédiate d’impôt sur les sociétés de - 1,33 (25 % de 5,32). La société s’acquitte pour le compte de son associé d’un impôt libératoire de 1,67, et ce dernier perçoit alors un revenu de 3,9 net d’impôt sur le revenu, prélèvements sociaux et charges sociales. Soit un coût fiscal et social, si on tient compte de l’économie d’impôt sur les sociétés générée en amont, de 5 % du revenu !
L’une des caractéristiques clés du compte courant d’associé est que les fonds peuvent être retirés à tout moment. Toutefois, pour sécuriser la trésorerie de l’entreprise, il est possible d’établir une convention de blocage sur une durée donnée.
Cette convention présente deux avantages :
– Visibilité pour l’entreprise : les dirigeants savent que ces fonds ne seront pas exigés à court terme.
– Effet levier auprès des banques : un compte courant bloqué peut rassurer les établissements financiers lors d’une demande de prêt.
Pour les dirigeants-associés, rémunérer les apports en compte courant peut se révéler plus intéressant qu’un versement de dividendes ou de primes :
– la rémunération du compte courant n’est pas soumise aux cotisations sociales (contrairement à une prime) pour les dirigeants associés de SAS (et jusqu’à 10% du capital social et du compte courant d’associé moyen pour le gérant associé TNS de SARL) ;
– elle permet une déduction fiscale pour la société, ce qui n’est pas le cas des dividendes ;
– le régime de la flat tax est généralement plus avantageux que l’imposition marginale applicable aux dividendes ou revenus professionnels.
En cas de difficulté financière, un associé peut renoncer à son compte courant au profit de la société. Ce geste fort constitue un produit exceptionnel imposable pour l’entreprise. Il est conseillé de prévoir une clause de « retour à meilleure fortune », permettant à l’associé de récupérer tout ou partie des sommes si la situation de la société s’améliore. Ce type de clause doit apparaître dans les engagements hors bilan de l’annexe comptable.
Autres précautions à prendre : le statut matrimonial peut avoir des conséquences inattendues. Par exemple, dans un couple marié sous le régime de la communauté, les apports en compte courant sont présumés communs, même si l’un des conjoints a apporté la majeure partie des fonds. Concrètement, si monsieur a apporté 90 % des sommes en compte courant d’associé, et madame 10 %, mais qu’ils sont associés à 50/50, madame sera en droit de réclamer 50 % de la somme totale. En cas de divorce, cela peut donc entraîner des conflits sur la répartition de ces sommes.
Enfin, le compte courant d’associé devra être inclus dans la succession de son détenteur.
Le compte courant d’associé est un outil redoutablement efficace pour financer son entreprise sans dilution, optimiser sa rémunération et bénéficier d’avantages fiscaux. Mais il implique également des responsabilités juridiques, fiscales et patrimoniales.
Une mauvaise gestion, un taux d’intérêt trop élevé ou un oubli dans les engagements hors bilan peuvent entraîner des redressements fiscaux ou des contentieux. L’accompagnement par un expert-comptable est donc vivement recommandé pour sécuriser ce levier tout au long de la vie de l’entreprise.