13 décembre 2025
Notre idée sortie du week-end vous transporte à Draguignan pour découvrir un maître
Tout le monde en parle de cette exposition Rembrandt qui vient de s’ouvrir au musée des Beaux-Arts de Draguignan, et pour cause ! Cet événement intitulé « Le Phare Rembrandt » est consacré à l’influence que le maître hollandais exerça auprès des peintres, qu’ils soient célèbres ou amateurs, en particulier auprès de l’école française. Pourquoi cette expo nationale à Draguignan ? Parce que ce musée possède déjà deux œuvres de cet artiste majeur dans son fonds et que, depuis sa récente restauration (très réussie), son conservateur multiplie les initiatives d’envergure : après Camille Claudel en 2024, cet hôtel particulier reçoit le génie hollandais, ce qui nous offre une nouvelle et excellente raison de visiter Draguignan et ses alentours, campagne et vignobles compris !
L’exposition questionne l’imitation et l’appropriation d’un artiste génial par ses « collègues ». Sur les cimaises, des tableaux de Chardin, Greuze, Hyacinthe Rigaud, Jean-Baptiste Oudry ou encore du Grassois Jean-Honoré Fragonard. Très impressionné, ce dernier a copié et réinterprété pendant plus de vingt ans des dessins et peintures de Rembrandt. À l’époque des Lumières, le peintre d’Amsterdam fut beaucoup collectionné par les grandes familles parisiennes et, lorsqu’il n’y avait plus de « vrais Rembrandt » sur le marché, elles achetaient des toiles « façon Rembrandt » pour leurs salons.
En voyant ses tableaux et l’influence qu’il exerça dans la vie artistique, il nous est aujourd’hui difficile de comprendre qu’il fut à son époque isolé, ruiné, malheureux. Il essuya de vives critiques. Ses dessins et ses gravures suscitèrent jusqu’au dégoût dans la bonne société de l’époque, qui lui reprochait de refuser « obstinément d’adopter les règles de beauté ». Chez lui, pas de maniérisme, pas d’esthétique pour de l’esthétique, et cela ne fut pas compris. Le marchand Gersaint, dans son catalogue publié en 1751, écrit ainsi que « ses figures nues sont insupportables ».
Un autre expert, Remy, ajoute en 1766 que « Rembrandt n’a jamais brillé dans la partie du dessin, lorsque les sujets l’ont obligé de représenter des femmes nues ». Le fait est qu’il ne cherchait pas de jolis modèles mais représentait des femmes âgées ou disgracieuses. Ses portraits valaient pour leur composition, leur touche sur la toile, leur éclairage, mais pas pour la grâce du sujet représenté.
Bien longtemps après, Van Gogh comprit le génie artistique de Rembrandt, qui incarnait à ses yeux la capacité d’évoquer des choses « pour lesquelles aucun mot n’existe dans aucune langue ». D’autres artistes vont exhaler ses clairs-obscurs sans dureté, ses compositions loin de tout académisme.
À Draguignan, on verra aussi des tableaux qui furent d’abord attribués à Rembrandt ou à d’autres peintres avant que leur « paternité » ne soit remise en question. C’est par exemple le cas de l’enfant à la bulle de savon, sujet maintes fois traité, et, dans cette exposition, « façon Rembrandt » par Chardin avec une fausse signature, un clair-obscur bluffant et une palette chaude. On admirera aussi la célèbre et austère vieille dame à la fraise, un des tableaux emblématiques du maître.
À découvrir jusqu’au 15 mars.
Marie Lesimple