24 décembre 2025
Les PME doivent intégrer des pratiques durables, et communiquer avec un rapport de durabilité volontaire
Alors que l’Union européenne allège le calendrier du reporting ESG (environnement, société, gouvernance), les PME restent confrontées à des risques climatiques, économiques et réputationnels qui s’intensifient. Dans ce contexte, le groupe de travail Rapport Durabilité de Walter France explique pourquoi intégrer des pratiques durables et publier un rapport de durabilité volontaire (VSME) permet de structurer sa démarche et de gagner en résilience.
Après plusieurs années d’accélération sur les sujets de durabilité, l’année 2025 a marqué un tournant majeur. La Commission européenne a choisi de revoir ses ambitions à la baisse sur le plan administratif, sans pour autant renoncer à ses objectifs environnementaux. Entre report du calendrier de la CSRD, hausse des seuils d’application et lancement de la norme volontaire VSME, l’enjeu est désormais clair : simplifier pour permettre à chacun d’agir à son échelle. C’est dans ce sens que la directive “Content” a été adoptée définitivement par les co-législateurs européens le 16 décembre 2025. La réduction du champ d’application obligatoire de la CSRD (seuils cumulatifs de 450 millions d’euros de chiffres d’affaires et de 1 000 salariés) a donc été confirmé.
Beaucoup de PME pourraient être tentées de considérer que la durabilité est désormais un enjeu secondaire puisqu’elles ne sont plus directement concernées par les obligations légales.
Pourtant, si les contraintes réglementaires se desserrent, les enjeux, eux, restent plus pressants que jamais. Les effets du changement climatique se multiplient : perturbations des chaînes d’approvisionnement, coûts énergétiques en hausse, dégradation ou interruption d’activités lors d’événements extrêmes, tensions sur les ressources naturelles. Ces phénomènes ont des répercussions immédiates sur les coûts, la fiabilité des opérations et la sécurité des modèles économiques. Autrement dit, la réduction des obligations administratives ne s’accompagne pas d’une réduction des risques. Les enjeux environnementaux et sociaux demeurent.
Les organisations qui s’engagent volontairement dans une démarche de transparence et de responsabilité environnementale y trouvent un véritable levier de valeur, de différenciation et d’attractivité.
Les sujets de fond demeurent :
– Mon activité est-elle pérenne dans le contexte actuel ?
– Vais-je pouvoir continuer à sourcer les matières de mes produits à horizon de 5 ou 10 ans ?
– Est-ce que mes produits répondent aux attentes des consommateurs de demain ?
Pour une PME, la durabilité répond avant tout à un impératif de performance. Agir rapidement permet non seulement d’anticiper les risques, mais aussi d’identifier des opportunités de réduction de coûts, d’optimisation énergétique et d’amélioration de l’efficacité opérationnelle. De nombreuses entreprises constatent que les démarches durables conduisent à une meilleure gestion des consommations, à une diminution des déchets et à un pilotage plus précis de leurs achats, avec un effet positif sur leur marge.
La durabilité est également un facteur de compétitivité commerciale. Les clients – qu’ils soient particuliers, entreprises ou collectivités – privilégient de plus en plus des acteurs engagés, transparents et capables de démontrer l’impact de leurs actions. De même, les salariés plébiscitent les organisations porteuses de sens, ce qui favorise l’attractivité des talents et réduit le turnover. Enfin, les partenaires financiers intègrent désormais des critères ESG dans leurs analyses de risque, ce qui signifie que les entreprises les mieux préparées accèdent plus facilement à certains financements, prêts ou subventions. La démarche durable est donc, très concrètement, un levier de croissance et de crédibilité.
Les secteurs de l’agriculture, de l’agroalimentaire, de l’industrie ainsi que du bâtiment et de l’immobilier sont aujourd’hui particulièrement impactés par ce changement climatique.
Dans les secteurs de l’agriculture et de l’agroalimentaire, l’augmentation des températures, la variabilité des précipitations et la survenance d’événements climatiques extrêmes (sécheresses prolongées et inondations notamment) peuvent entraîner la diminution des rendements, la raréfaction de certaines matières premières, l’augmentation des coûts d’achats et de stockage.
La viticulture est un secteur particulièrement impacté. Le cycle de vie de la vigne, la qualité et la quantité de la production de vin sont en effet particulièrement sensibles aux variations climatiques.
Dans le secteur de l’industrie, les changements climatiques peuvent entraîner des ruptures de l’approvisionnement en matières premières, l’interruption de l’activité à cause des conditions climatiques défavorables, la pénurie de certaines ressources ou encore la volatilité des prix de l’énergie. Selon des calculs de l’IFP Energies nouvelles, la demande mondiale de cuivre par exemple va épuiser 60 % des ressources connues dans le monde en l’espace de 30 ans.
Dans le secteur du bâtiment et de l’immobilier, les incidents climatiques extrêmes peuvent entraîner la hausse des coûts d’entretien et de réparation, des primes d’assurance ainsi que l’obsolescence accélérée des bâtiments non adaptés au changement climatique.
Une approche proactive passant par l’analyse des impacts du changement climatique, l’identification précise des risques auxquelles les activités sont confrontées et la mise en place d’un plan d’actions permettent aux entreprises une meilleure gestion des aléas environnementaux et la saisie de nouvelles opportunités telles que notamment :
– La réflexion sur la pérennité de l’entreprise à long terme
– Une maîtrise de ses coûts par une meilleure efficience énergétique et la réduction des déchets
– La valorisation de l’image de l’entreprise par l’adoption d’une stratégie responsable renforçant la confiance de leurs parties prenantes : investisseurs, clients, salariés, partenaires…
– L’ouverture à de nouvelles formes de financement
– L’anticipation des enjeux réglementaires en investissant mieux aujourd’hui pour limiter les conséquences demain.
La prise de conscience semble essentielle mais l’action l’est d’autant plus pour transformer la lutte contre le changement climatique en opportunité.
Même si elles ne sont pas soumises à la CSRD, les PME doivent de plus en plus fournir des données ESG à leurs clients, fournisseurs, banques ou partenaires institutionnels. Cette pression de la chaîne de valeur se renforce, notamment car les grandes entreprises doivent elles-mêmes déclarer les impacts indirects liés à leurs fournisseurs. Pour les PME, il est donc essentiel d’être en capacité de communiquer de façon claire, structurée et fiable.
Le rapport de durabilité volontaire – fondé sur la norme VSME (Voluntary Sustainability Reporting Standard for non-listed SMEs) publiée par la Commission européenne – répond précisément à cette nécessité. Il propose une structure simplifiée, plus légère que les standards ESRS, tout en apportant un cadre crédible. Il ne s’agit pas de produire un document complexe, mais de formaliser :
– la prise en compte des enjeux et les attentes des parties prenantes,
– l’impact lié à l’entreprise via des données chiffrées pour évaluer le degré d’importance,
– les engagements de l’entreprise, ses impacts significatifs, ses actions concrètes et les indicateurs qui permettent d’en mesurer la progression.
Le VSME n’impose qu’un nombre limité d’indicateurs, centrés sur trois thématiques majeures : les émissions de gaz à effet de serre, les conditions de travail et la lutte contre la corruption. Ce recentrage permet aux PME de se concentrer sur l’essentiel, sans complexité excessive. Le document invite également à présenter de manière simple les impacts principaux de l’activité sur l’environnement, les enjeux identifiés, les priorités retenues et les actions en cours ou à venir.
Ce cadre incite l’entreprise à prendre du recul sur sa stratégie, à identifier ses risques et à définir une feuille de route réaliste. Il facilite l’appropriation de la démarche par les équipes, car il valorise ce qui est déjà fait et met en lumière les marges de progrès. Le rapport devient alors un instrument interne utile pour piloter la transition, et un outil externe de communication et de valorisation. Pour beaucoup de PME, il représente une première étape structurante, accessible même avec des ressources limitées.
S’engager dans une démarche durable ne signifie pas tout transformer du jour au lendemain. L’essentiel est de progresser étape par étape. La première consiste généralement à identifier les enjeux les plus pertinents au regard de l’activité – qu’il s’agisse de consommation d’énergie, de gestion des déchets, d’achats responsables, de mobilité, de bien-être au travail ou de dépendance à certaines ressources. Cette phase permet de cartographier les risques et de repérer les actions prioritaires.
Vient ensuite la collecte de données disponibles, souvent plus facile qu’il n’y paraît : factures d’énergie, volumes de production, indicateurs RH, politiques internes déjà en place. Sur cette base, l’entreprise peut construire un récit clair qui explique son contexte, ses impacts, ses engagements et les résultats attendus. Le rapport volontaire prend alors forme, apportant visibilité, cohérence et transparence. Il devient un fil conducteur pour organiser la transition, mais aussi un support de dialogue avec les clients, partenaires ou investisseurs.
Pour Aurore Coillard-Damiani, responsable du groupe de travail : « La durabilité est bien plus qu’une tendance : c’est un levier stratégique essentiel pour assurer la pérennité financière des entreprises. Intégrer des pratiques durables permet de mieux anticiper les risques réglementaires, environnementaux et sociaux, tout en renforçant la transparence vis-à-vis des parties prenantes. Adopter une approche durable, c’est aussi faire preuve de vision à long terme. Cela améliore l’image de marque, attire des talents engagés et fidélise une clientèle de plus en plus consciente de son impact. De plus, les critère ESG deviennent incontournables pour accéder à certains financements. »
Pascal Ferron