Systèmes d’influences : entre affaires publiques et lobbying, le rôle des avocats


Droit


28 juillet 2017

La notion d’affaires publiques recouvre notamment l’activité dite de lobbying. Or, même si ces deux techniques d’influence ont pour objet d’intervenir dans le processus public, elles résonnent différemment.
Avant d’appréhender la notion d’affaires publiques, tant du point de vue français, que du point de vue étranger (Bruxelles et Washington notamment), il convient de cerner sommairement le lobbying.

Par Anne-Marie PECORARO - Avocat associé, spécialisé en Propriété Intellectuelle @Turquoise_Law

Cette notion vient du mot anglais « lobby » qui signifie « couloir ».
Le lobby correspondait aux couloirs de la Chambre des Communes dans lesquels les membres des groupes de pression venaient discuter avec les parlementaires.
Le lobbying consiste aujourd’hui à exercer une influence pour défendre des positions et intérêts vis à vis des hommes et femmes politiques et des pouvoirs publics, si possible pour rallier leur conviction et soutien.

Par conséquent, le lobbying est souvent mal perçu. Sa seule évocation renvoie à un sentiment de défiance, dans un climat de critiques.
Afin de clarifier les moyens d’action, des critères permettent de différencier le lobbying et les affaires publiques.

Il n’existe pas de définition unique des affaires publiques. Cette notion peut s’interpréter de diverses façons.
Par exemple, selon les professeurs de l’université de Montréal, les affaires publiques concerneraient « l’identification, l’évaluation et la priorisation des occasions et des risques générés par les politiques publiques et les affaires réglementaires, de même que les stratégies et les actions pour y faire face ».
En d’autres termes, les affaires publiques peuvent non seulement s’opérer en amont (surveiller et influencer les décisions publiques) mais aussi en aval (repenser les activités d’une société avec les conseils d’un avocat par exemple en fonction des résultats d’une veille réglementaire).

Si la notion d’affaires publiques recouvre plusieurs sens, des particularités se dégagent selon que l’on se trouve à Paris, à Bruxelles ou encore à Washington.

La situation de défiance en France et les correctifs de la loi Sapin II

Bien qu’une étude menée par Sciences-Po le 21 mars 2016, auprès de 55 personnes issues du Parlement, montrait qu’ « une large majorité regrette que le dialogue avec les parties prenantes « n’est pas bien organisé » et qu’il n’est pas « suffisamment transparent », la donne a changé avec l’entrée en vigueur de la loi n°2016-1691 du 9 décembre 2016 relative à la transparence, à la lutte contre la corruption et à la modernisation de la vie économique, dite loi Sapin II.

En effet, en son article 25, cette loi a introduit un répertoire numérique assurant l’information des citoyens sur les relations entre les représentants d’intérêts et les pouvoirs publics.
En d’autres termes, un répertoire national des représentants d’intérêts a été créé, ce qui a pour objectif une plus grande transparence des affaires publiques françaises.

Ainsi, à l’instar des affaires publiques européennes, dont le registre de transparence reflète les efforts réalisés par la Commission européenne pour arriver à plus grande transparence dans les rapports entre les représentants d’intérêts et les responsables publics européens, la France renforce un dispositif de transparence des affaires publiques.

Par ailleurs, en France, bien que l’activité de conseil en affaires publiques soit encore souvent mal interprétée et soupçonnée (le conseil en affaires publiques est assimilé aux groupes dits de pression, dont le principal serait de servir des intérêts particuliers, au mépris de l’intérêt général), les affaires publiques françaises évoluent grâce aux acteurs du secteur, incluant les avocats.

D’ailleurs, cette étude menée par Sciences-Po a aussi démontré que la majorité des personnes interrogées pense que la représentation d’intérêts est « utile » et « nécessaire ». De plus, ces décideurs publics « saluent le « professionnalisme » et « l’esprit de dialogue » des représentants d’intérêts ».
Ainsi, malgré le fait que le conseil en affaires publiques français ne semble pas se positionner au mieux au cœur du processus décisionnel, il n’en demeure pas moins que son intégration progresse, et que son image se bonifie, à l’instar de l’image de ses confrères européens et américains.

Les affaires publiques européennes et américaines

Dans les univers européen et anglo-saxon, le conseil en affaires publiques bénéficie d’une reconnaissance institutionnelle.
Ce système d’influence y est réglementé dans une certaine mesure, et le conseil en affaires publiques fait ainsi partie intégrante du processus décisionnel public.
Par exemple, à Bruxelles, les consultants en affaires publiques sont inscrits sur un registre public, ce qui leur donne une légitimité pour faire entendre leur voix au sein du Parlement européen.
De même, aux USA, le conseil en affaires publiques est un véritable représentant démocratique. Il est supposé être un médiateur entre les citoyens et les institutions publiques.

Pourquoi un rôle pour les avocats ?

En France, les conseils divers jouent un rôle essentiel s’agissant de la représentation d’intérêts légitimes et de la coordination de campagnes pour faire écho aux besoins de la société civile.
Dans un contexte où le droit se diversifie, notamment au niveau européen et au niveau international, la profession d’avocat se tourne vers de nouveaux horizons, et se propose de rendre des services aux citoyens notamment en termes de lobbying.
« L’avocat lobbyiste » est une notion à la mode dans la mesure où les objectifs de la profession d’avocat et leur déontologie peuvent s’inscrire dans cet exercice de gestion de la communication entre les organisations et le public.
L’activité de lobbying comprend deux pans importants : une compréhension des processus décisionnels et un savoir-faire en matière de veilles législatives interne et européenne.
De par son rôle de conseil et sa connaissance de la loi, l’avocat est en pleine mesure d’appuyer ces activités de lobbying (notamment en se coordonnant avec les autres professionnels intervenant dans ce secteur comme les équipes de communication).
Il est en mesure de retranscrire dans des termes juridiques les enjeux des intérêts du public et des organisations. Il peut servir d’intermédiaire entre les citoyens et les autorités étatiques.


Anne-Marie PECORARO