Justice : les enjeux des cinq chantiers défendus par la Garde des Sceaux


Décryptage


12 octobre 2017

Nicole Belloubet donne un peu de temps à la réflexion, avant la préparation pour 2018 d’une loi de programmation quinquennale et deux lois de simplification de procédure civile et pénale.

Cinq chantiers urgents

S’il est un reproche à faire à Edouard Philippe, ce n’est pas celui de ne pas s’atteler aux promesses de campagne du président Macron. Pour les affaires de Justice, il a lancé la semaine dernière à Nantes avec la garde des Sceaux, Nicole Belloubet, cinq chantiers de réflexion. Une période de mûrissement qui s’achèvera le 15 janvier prochain et débouchera sur trois nouvelles lois d’ici 2018.

Surpopulation carcérale

La France est souvent montrée du doigt pour une surpopulation carcérale qui dépasse parfois les 200% dans certains établissements.
Comme Christiane Taubira auparavant, le gouvernement actuel envisage un recours massif aux peines alternatives. Avec de nouveaux moyens, pour en finir avec les mauvais suivis (travaux d’intérêt général, bracelets électroniques insuffisants, etc.) Il s’agit de simplifier le système d’aménagement des peines pour le rendre plus efficace.

Plan de construction

Le gouvernement a promis la construction de 15 000 nouvelles places de prison (dont une maison d’arrêt dans la plaine du Var qui est "prioritaire" a rappelé Nicole Belloubet lors de sa récente visite à Nice).
Un niveau de construction qui ne résorbera pas la surpopulation carcérale et n’empêchera pas les aménagements de peines.

Simplifier la procédure pénale

Pour éviter les engorgements des parquets, les "petites" procédures devraient être allégées : création de plateformes pour des dépôts de plaintes, amendes forfaitaires pour les primo-consommateurs de stupéfiants, simplification des procédures pénales pour les petits délits, etc. Autant de mesures qui sont loin de faire l’unanimité chez les magistrats dont certains craignent l’absence de poursuites véritables et au final une dilution de l’autorité de la justice.

Procédures civiles facilitées

Pour la procédure civile, "il faut simplifier les règles de saisine du juge et développer puissamment la conciliation et la médiation" explique Nicole
Belloubet. Les procédures écrites seraient privilégiées. La ministre souhaite aussi réformer l’appel, pour éviter les abus, en préconisant l’exécution provisoire systématique de la peine.

Carte judiciaire

C’est le sujet sensible. Il s’agirait de réduire le nombre de Cours d’Appel, de créer des tribunaux "de proximité" pour les petits dossiers, et de spécialiser les TGI pour répondre à la complexité croissante du droit.
Mais les magistrats, les personnels, les syndicats et les élus locaux attachés à leurs tribunaux veillent au grain...

Le numérique au secours

Le Premier ministre veut favoriser la dématérialisation des procédures pour permettre leur suivi en ligne via la plateforme Internet de dépôt de plaintes, ainsi que l’interconnexion des fichiers. Un chantier énorme puisque des logiciels comme "Portalis" ont mis... dix ans avant de devenir réellement
opérationnels.

Des craintes à dissiper

Pour le Syndicat de la Magistrature, le gouvernement fait "l’économie d’une réflexion de fond sur le champ pénal et sur la peine. La question des équilibres protecteurs des procédures pénales et civiles disparaît derrière la simplification à tous crins". (...). "Le numérique, dont les progrès sont évidemment indispensables, est chaque fois présenté comme un outil miracle".
Concernant la carte judiciaire, le Syndicat de la Magistrature considère que "le spectre des fermetures de juridictions n’est écarté qu’en apparence".


Jean-Michel Chevalier