Énergie : concilier l’esprit de la loi et les dures réalités du terrain...


Economie


13 novembre 2017

Ces mardi et mercredi, le projet de loi mettant fin à la recherche ainsi qu’à l’exploitation des hydrocarbures est examiné en séance publique au Sénat. Il avait été voté le 10 octobre par une large majorité en scrutin public à l’Assemblée nationale. Il avait auparavant été examiné par la commission du développement durable de l’Assemblée, qui avait auditionné Nicolas Hulot sur ce texte fin septembre.

La fin des extractions ?

Par ce projet de loi, le gouvernement "vise à assurer la cohérence de la politique de gestion des hydrocarbures contenus dans le sous-sol français avec l’objectif de lutte contre le changement climatique contenu dans l’Accord de Paris sur le climat adopté le 12 décembre 2015, à l’issue de la COP21". Ce qui recoupe le "plan climat" annoncé lors du Conseil des ministres du 6 juillet 2017 dans lequel la France s’engage "à accélérer la mise en œuvre de l’Accord de Paris, en priorité sur son territoire, puis en incitant les autres pays à faire de même. Il fixe en particulier l’objectif de s’engager vers la neutralité carbone à l’horizon 2050".
Sur le papier, de bonnes intentions soutenues par le ministre Nicolas Hulot. Dans la réalité, un texte qui laisse encore perplexe le milieu industriel
pétrolier qui ne se satisfait pas des principales dispositions prévues même si notre pays est un (tout) petit producteur de pétrole et de gaz. Un projet de loi à haute valeur symbolique donc, et à faible portée sur le terrain. Même s’il indique clairement que 2040 marque la fin des permis d’exploration et d’exploitation sur le territoire national.

Le nucléaire a encore de beaux jours

Mais surprise, mardi matin, lorsque le même Nicolas Hulot a annoncé que notre pays ne serait pas en mesure de réduire la part du nucléaire à 50% dès 2025 comme cela avait été claironné. La raison ? Une sous-estimation lors des études, cela fait sérieux. Si bien que le parc nucléaire français a encore de beaux jours devant lui (voir ci-dessous).
Un nucléaire qui n’en finit pas de finir, des extractions fossiles condamnées dans le principe (il est plus facile d’adopter une loi que de se frotter à la réalité) car M. Hulot ne sera évidemment plus au gouvernement en 2040. Il y a quand même du flottement en matière énergétique...
Et le gouvernement a beau souhaiter qu’il n’y ait plus de nouveaux permis d’extraction d’hydrocarbures et vouloir "être à l’avant-garde de la lutte contre le dérèglement climatique et inciter les autres pays signataires de l’Accord de Paris à intensifier l’effort de lutte contre le réchauffement", il y a encore manifestement loin des paroles aux actes.
Heureusement, le ridicule ne tue pas.

Pétrole : encore indispensable

Selon l’Union Française des Industries Pétrolières (UFIP) "les enjeux et les impacts d’un tel engagement de notre pays et de ses territoires (fin de la recherche et de l’exploitation, ndlr) méritent d’être partagés et mesurés dès maintenant. Forte de plusieurs dizaines de milliers d’emplois et d’un tissu important d’entreprises, notre industrie représente pour la France une richesse économique, technologique et innovatrice
majeure".
L’UFIP met en avant ses technologies et expertises pour la connaissance du sous-sol pour la géothermie profonde et, pour la mer de ses profondeurs, de ses marées et courants pour les énergies marines renouvelables.
"Le pétrole restera longtemps essentiel pour la mobilité de nos concitoyens y compris le transport aérien et le transport des marchandises. Nous sommes résolument engagés dans la transition énergétique. Ces changements prennent du temps" conclut Francis Duseux, président de l’UFIP.

Nucléaire et électricité "verte"

RTE, filiale d’EDF, gestionnaire des lignes à haute et moyenne tension, a publié cinq scénarios pour 2035 sur les modifications prévisibles du système électrique dans le cadre de la transition énergétique. RTE souligne la difficulté de sortir du nucléaire sans émissions de CO2, une position actée par Nicolas Hulot.
Entre 2020 et 2022, la mise en service de nouveaux moyens de production comme la centrale combinée au gaz de Landivisiau (Finistère) et les premiers parcs éoliens offshore vont augmenter la sécurité d’approvisionnement.
Une production qui devrait permettre de fermer quatre centrales nucléaires et toutes les centrales à charbon, selon RTE. Mais pour couvrir les besoins en électricité et respecter l’accord de Paris, il faudrait être en mesure de fermer 24 réacteurs de 900MW. Or, l’énergie "verte" (biomasse, éolien photovoltaïque etc.) ne sont pas encore en mesure de prendre le relais : il faudrait multiplier par trois leurs capacités de production dans les sept ans à venir... Or de multiples recours devant les tribunaux retardent les nouvelles installations.


Jean-Michel Chevalier