Les propositions de l’Institut Montaigne pour faire entrer le numérique dans la justice !


Droit


13 novembre 2017

Le système judiciaire français, vous connaissez ? La longueur de ses délais ? La complexité de ses démarches ? L’incertitude sur l’avancement de la procédure ? Rassurez-vous, vous n’êtes pas seul !
L’Institut Montaigne publie un rapport qui entend faire des propositions concrètes pour que l’innovation technologique puisse améliorer rapidement et efficacement la justice civile. Ceci afin d’améliorer la vie des justiciables, mais également de faciliter le travail des professionnels de justice. Le résumé du rapport ci-dessous.

De la visioconférence à l’intelligence artificielle, de la justice prédictive au « Blockchain », le potentiel du numérique pour transformer le service public de la justice paraît considérable. Alors que l’institution judiciaire est décrite par de nombreux commentateurs comme en « état de crise », les appels à une refondation de la justice se multiplient.
Le présent rapport n’entend pas se prononcer sur une telle réforme mais souhaite simplement apporter sa contribution à la réflexion sur l’utilisation des outils numériques pour améliorer l’offre de justice dans le domaine civil.

Mieux comprendre les attentes des justiciables…

Avant d’analyser comment les outils numériques peuvent modifier l’offre de justice, il est d’abord nécessaire d’examiner les caractéristiques qualitatives des attentes des justiciables.
Pour ce faire, plusieurs outils innovants existent, tels que l’organisation de groupes de discussion ou l’écoute des contenus sur les réseaux sociaux. Grâce à ces expérimentations, le présent travail identifie les caractéristiques essentielles de la demande de services judiciaires de la part des citoyens.
Ces derniers considèrent ainsi que la justice doit répondre aux critères d’autorité, confiance, simplicité, loyauté, crédibilité, accessibilité, coût, temporalité, prévisibilité, humanité, praticabilité, efficience, effectivité, et globalité.

…pour mieux y répondre grâce au numérique

À partir de cette connaissance de la demande de justice, il est possible d’identifier les domaines dans lesquels l’innovation technologique permet d’améliorer le fonctionnement de ce service public. Il en va ainsi de la répartition de l’offre de justice, celle-ci pourrait évoluer du fait du traitement électronique de certains contentieux, sans comparution des parties. Dans
le même temps, une partie des comparutions pourrait être organisée par visioconférence. Concernant la publicité du procès, l’enregistrement des débats judiciaires et leur accessibilité pourront être généralisés. Ces dernières évolutions inciteront nécessairement à reconsidérer les questions de territorialité et d’accès à la justice.
Le numérique transforme également le traitement de l’information judiciaire par l’analyse et le traitement de grandes masses de données rendus possible par l’« Open Data » et l’intelligence artificielle. Il convient dès lors d’encadrer l’utilisation de ces nouveaux outils afin de préserver l’égalité d’accès à l’information entre les citoyens. Concernant le financement des contentieux,
une plateforme numérique, connectée aux autres services publics de l’État, pourrait permettre de mieux organiser l’aide juridique et juridictionnelle.
Les méthodes du travail juridictionnel sont également amenées à être réinventées par l’arrivée des technologies de l’information. Il en va ainsi de la saisine d’une juridiction, de l’instruction d’un procès, des différentes audiences, du jugement et de son exécution.

Piloter avec efficacité la transformation de la justice

Pour mener à bien la transformation numérique de la justice, certaines « bonnes pratiques » ont pu être identifiées : équipes de haut niveau mues par un esprit d’innovation et réunissant professionnels et informaticiens en un seul lieu de travail, pilotage en mode projet avec une autonomie suffisante par rapport aux structures administratives habituelles, emploi de
méthodes « agiles » pour une conception fondée sur les attentes des utilisateurs.

Les propositions de l’Institut Montaigne (1)

Axe : comprendre les attentes des justiciables
Afin de mieux appréhender les composantes de la demande des diverses catégories de justiciables, il convient d’utiliser les techniques récentes permettant de rendre compte d’un point de vue qualitatif – et non uniquement quantitatif – des attentes précises des citoyens.

Axe : améliorer l’offre de justice grâce à l’innovation technologique
Les nouvelles technologies sont amenées à transformer en profondeur le fonctionnement de la justice. A titre d’exemple, il convient :
• d’identifier les matières et procédures relevant d’un traitement électronique et organiser des centres de traitement des procédures dématérialisées ;
• déterminer les cas et les conditions dans lesquels la comparution des parties, des témoins et des experts peut être organisée par télé ou visioconférence ;
• généraliser l’enregistrement des débats judiciaires et définir les conditions dans lesquelles ces enregistrements sont mis à la disposition des parties, des juridictions supérieures, ou du public ;
• revoir la fonctionnalité et l’implantation territoriales des services de la justice ;
• mettre au point une méthode opérationnelle de suivi de l’évolution des divers types de contentieux et d’anticipation de leur évolution ;
• renforcer les services d’accueil des usagers et améliorer leur information sur le déroulement des procès, mettre à leur disposition les nouveaux outils d’intelligence artificielle d’exploitation des données juridiques et judiciaires et donnant des indications prévisionnelles sur les solutions possibles ;
• transférer le traitement de l’aide juridique et de l’aide juridictionnelle à une plateforme entièrement numérique connectée aux autres services publics de l’État ;
• proposer un mode d’introduction d’une demande en justice au moyen d’un formulaire numérique et une procédure interactive en ligne ;
• généraliser et simplifier l’instruction des dossiers et mettre ces informations à la disposition des parties, en développant des tableaux de bord et bureaux numériques partagés entre toutes les parties prenantes d’un procès ;
• repenser l’organisation et la tenue des audiences judiciaires par l’emploi des techniques de communication à distance ;
• développer les possibilités de rendre les jugements à l’oral dans la continuité d’audiences multimédia fixés sur un support remis aux parties et directement exécutoire ;
• prendre acte des transformations relatives à l’office du juge consécutives au développement des services de médiation et d’arbitrage dans les contentieux de masse proposés par les plateformes numériques et les organisateurs de « Blockchains ».

Axe : piloter la transformation
Il convient d’investir une autorité de haut niveau, chargée de l’élaboration et de la gouvernance des différents programmes de transformation numérique. De même, un organe consultatif indépendant pourra être mise en place,
associant professionnels, futurs utilisateurs et experts, ayant pour mission l’exploration et l’expérimentation à des fins judiciaires des nouvelles technologies.
Les procédures d’expérimentation préalable devront être généralisées afin d’étudier l’impact sociologique, économique et financier des technologies mises en place.

1- Pour la déclinaison précise de celles-ci, se reporter au texte du rapport complet en cliquant ici.


Valérie Noriega