Il est vraiment temps de faire gaffe aux GAFA


Economie


7 décembre 2017

Les principales entreprises du net - les fameuses GAFA (Google, Amazon, Facebook, Apple) auxquelles on pourrait aussi ajouter Microsoft et quelques autres - sont chacune bien plus riches que de nombreux pays dans le monde. C’est une réalité, qui doit nous interroger.
Nées de cette dernière pluie ayant fait pousser la nouvelle économie numérique, elles ne doivent leur richesse qu’à leur talent. Du point de vue libéral, les milliards de dollars qu’elles engrangent sont une récompense justifiée, le sucre d’orge donné aux investisseurs et entrepreneurs audacieux
qui ont pris tous les risques.
Bien sûr, sauf que...
Sauf que leur richesse est pour une bonne part assise sur de "l’optimisation fiscale", expression pudique signifiant qu’une armée de spécialistes travaille dans chacune d’elles à contourner l’impôt pour ne pas verser l’écot à la société pour financer les écoles, les hôpitaux, les routes, la protection sociale...
D’où ces résultats mirobolants, cette croissance "à deux chiffres", ces actionnaires repus et inconscients de la fracture béante qui s’élargit chaque année davantage entre la masse qui paie ses impôts (pas par
vertu, mais parce qu’elle n’a pas le choix...) et quelques sociétés ou individus ultra privilégiés qui déstabilisent tout un système sans même s’en rendre compte, promettant des lendemains qui risquent d’être explosifs.
Il était un temps où les grandes entreprises de l’économie "réelle" s’inscrivaient dans un temps long et pas dans celui des bilans annuels. Des fortunes se bâtissaient, participant à la vie de la cité. Michelin, par exemple, a mis son appareil industriel au service de l’effort de guerre en construisant des avions sans prendre... le moindre centime de bénéfice. Ou en ouvrant ses centres de santé et autres sanatoriums aux gazés et aux blessés de 14-18.
Aujourd’hui, cette éthique et cette conscience civique n’existent plus chez les leaders mondiaux et apatrides du virtuel.
Le dernier exemple, très choquant, est celui donné par Airbnb, jurant la main sur le cœur ne pas inciter les loueurs à détourner la loi, mais leur expliquant comment utiliser une carte numérique (éditée à Gibraltar, sans doute un hasard...) pour passer au travers de l’impôt.
Non seulement cet hôtelier virtuel qui ne possède aucune chambre en propre ne paie en France qu’un impôt ridicule par rapport à son chiffre d’affaires, mais en plus il favorise indirectement l’évasion fiscale de ces clients.
Avant qu’ils ne soient totalement appauvris, les États doivent se pencher d’urgence sur les profits de ces géants du net. C’est une certaine conception du monde, de la justice et de la démocratie qui est en jeu.


Jean-Michel Chevalier