Un bon conseil, dépêchez-vous donc de tomber malade !


Economie


18 janvier 2018

"Il n’y en aura pas pour tout le monde !" La phrase fétiche des camelots, pour attirer sur leurs stands les badauds, ne s’adresse pas, cette fois, aux acheteurs, mais aux futurs malades. À tous ceux à qui les médecins
demanderont, dans quelques années, si ça les gratouille ou si ça les chatouille.
Du moins à ceux qui auront encore la possibilité de consulter l’homme ou la femme de l’art sans devoir patienter des mois avant d’obtenir un rendez-vous. Car, comme la grenouille du Mozambique, le médecin est plus que jamais une espèce menacée. Et si l’on en signale encore quelques spécimens, ici et là, exerçant en libéral dans nos campagnes et dans nos cités, on ne peut que constater la raréfaction de ceux qui se précipitaient à notre chevet dès les premiers assauts de la grippe ou lors de l’éclosion des boutons de varicelle sur le minois du petit dernier.
Formés dans des hôpitaux aux plateaux techniques très pointus, entourés de collègues de toutes spécialités permettant une prise en charge optimum des malades, les jeunes toubibs n’ont guère envie, une fois diplômés, de se retrouver isolés dans un "désert médical". Où ils devront, dans la même journée, être pédiatre et gériatre, médecin des pompiers, psychologue pour traiter les conflits familiaux, sans même parler des accouchements et des soins ultimes aux mourants.
Dans une société où les loisirs ont pris une part importante, on ne peut exiger d’eux un tel sacerdoce et il faudra, très vite, mettre en place une nouvelle organisation médicale pour que, partout sur le territoire, chacun puisse disposer des mêmes services (et avoir les même chances).
Mais il y a aussi une autre raison que sociologique à la baisse du nombre de
médecins : un numerus clausus trop restrictif et une imprévoyance des autorités de tutelle depuis de nombreuses années puisque l’on sait déjà que l’on va manquer très vite de praticiens dans certaines spécialités (gynéco) et que d’autres seront très tendues (ophtalmo). On est arrivé à ce résultat car, dans les années 90, quelqu’un a imaginé au Ministère qu’il suffisait de réduire le nombre de médecins pour faire baisser corrélativement les frais de santé supportés par la Sécu…
Résultat : pour boucher les dents creuses, on est obligé d’importer des diplômés (Roumanie, Bulgarie, Pologne) quand, dans le même temps, les tarifs des spécialistes – et les dépassements d’honoraires – se sont
envolés.
Un remède pire que le mal et pour notre système de santé une longue convalescence en perspective…


Jean-Michel Chevalier