Le lent poison des flèches assassines


Economie


1er mars 2018

Il y a fort à parier que les propos tenus par Laurent Wauquiez devant des étudiants lyonnais n’auraient pas eu la même diffusion si le nouveau président des Républicains avait seulement parlé de la dette, de la réforme des retraites ou de l’évolution du CAC 40... Mais, n’ayant pas imaginé pouvoir être enregistré à son insu par des gamins qui ont pourtant délaissé cahiers et stylos au profit des ordinateurs et smartphones lors de leurs cours en amphi, le leader de la principale formation de droite s’est laissé emporter par son enthousiasme et son verbe. Dézinguant tous azimuts, et surtout contre les personnalités de son camp.
Que l’arroseur soit finalement arrosé, que le chasseur prenne en pleine figure le boomerang qu’il a lui même lancé prête évidemment à sourire. Le docteur Wauquiez, toujours prompt à donner des leçons, devra maintenant tartiner un baume anesthésiant sur les plaies pour panser cet épisode qui laisse déjà des cicatrices sur l’épiderme chatouilleux de grands ténors comme Xavier Bertrand, Dominique Bussereau et quelques autres.
Pour les opposants de son propre camp, la naïveté de l’auteur de ces propos malheureux les conforte dans leur doutes. Sur la ligne dure choisie, mais aussi sur la capacité de rassemblement du patron des Républicains. Car les majorités de gouvernement se composent autour du centre. Le pari réussi de Macron le démontre à l’évidence, et pour l’instant ce n’est pas le cap suivi par les successeurs de Nicolas Sarkozy.
Dans la tragi-comédie des enregistrements "lyonnais", les juristes trouveront matière à philosopher : tenus en public, les propos de Laurent Wauquiez appartiennent-ils au domaine privé dès lors qu’il n’a pas donné son consentement pour leur diffusion ? La qualité de la "victime " - ancien ministre, président de région, chef de parti - autorise-t-elle la publication de son verbatim au nom du droit à l’information ? La déontologie du journaliste permet-elle de "balancer" les petites phrases assassines tout en sachant qu’elles ont été enregistrées à l’insu du plein gré de leur auteur ?
La transparence absolue réclamée par l’opinion envers les "politiques" est-elle morale ? On pourrait multiplier les questions et les débats à l’infini...
Mais comme on est en France et que l’on aime bien rigoler (sous cape) des petits tracas d’autrui, surtout quand cet autrui est célèbre, on oubliera très vite les dérapages plus ou moins contrôlés de Laurent Wauquiez devant les étudiants. Dans quelques jours, il ne restera que les cibles des flèches qui les auront encore en travers de la gorge. Pour le reste, la politique va continuer comme si de rien n’était : show must go on !


Jean-Michel Chevalier