Risques de dérapages avec les mouchards automatiques


Economie


8 mars 2018

Sans doute le démarreur de nos bonnes vieilles 2 chevaux produisait-il le bruit d’un cheval enroué. Sans doute ces voitures simples et sympathiques avançaient-elles lentement en se dodelinant sur les cahots de la route. Mais, au moins, elles respectaient la vie privée de leur conducteur.
L’Europe a décidé que tous les nouveaux modèles devront être équipés à partir d’avril d’un boîtier destiné à alerter les secours, via une carte SIM, en cas d’accident. Le lieu de l’impact, le nombre de passagers seront alors automatiquement communiqués. Gain de temps et d’efficacité. Très bien. Sauf que des esprits chagrins craignent que ce progrès ne soit pas dénué d’arrières pensées...
Le Touring Club Suisse s’est ainsi penché sur deux modèles haut de gamme déjà équipés de ce boîtier pour étudier la nature des informations transmises automatiquement. Les résultats sont étonnants : des dizaines de données sont envoyées dès que l’on verrouille le véhicule et lorsque l’on retire la clé de contact, sans doute bien au-delà du seul aspect de sécurité routière. Et nos voisins helvètes de s’inquiéter de ce à quoi pourraient bien être utilisées ces informations. Sans avoir obtenu de réponses probantes des constructeurs...
Car si personne ne trouvera à redire sur une transmission automatisée après le déclenchement d’un airbag à la suite d’un choc ou sur l’alerte en cas d’obstacle, la voiture pourra tout aussi bien "moucharder" sur les habitudes de son propriétaire : les trajets régulièrement effectués, les horaires, les endroits où elle stationne habituellement.
Le numérique sera ainsi capable de dresser le profil de l’utilisateur. Si ces données sont finement exploitées, le croisement de la géolocalisation et des habitudes peut ouvrir la porte à des dérives. Techniquement, il sera par exemple facile de constater que vous étiez en retard pour la vidange (garantie), pour le remplacement des plaquettes de frein (assurance), etc.
Rien de pire, finalement, que ce que réalise déjà votre smartphone, qui est à la fois notre meilleur ami et meilleur espion. Ou tous nos surfs, qui sont enregistrés sur internet.
Mais ce possible traçage s’ajoutera à ceux qui existent déjà, comme la lecture automatique des plaques d’immatriculation à la sortie des parkings ou par les voitures "radar" confiées à des sociétés privées pour "flasher" les excès de vitesse.
L’automobiliste est, bien sûr, propriétaire des données qui se dégagent de sa voiture. WikiLeaks a cependant révélé qu’aux USA la CIA s’intéresse de très près à cette technologie qui peut s’avérer bien bavarde...Alors pour la sécurité de la vie privée, rien ne vaut une vieille 2 chevaux. Et pour la
sécurité routière, le 80 kilomètres à l’heure qui va nous être imposé, paraît-il pour notre plus grand bien...


Jean-Michel Chevalier