Délais de paiement : l’harmonisation européenne sur les rails


Droit


1er juin 2011

La LME a nettement amélioré les délais de paiement, mais quelques interrogations subsistaient, notamment au regard de son application dans les relations de nos entreprises avec leurs clients et fournisseurs européens. Une récente directive européenne vient enfin harmoniser les délais de paiement entre les États-membres. Celle-ci commandera vraisemblablement une adaptation légère de notre droit.

La loi de modernisation de l’Economie (LME) du 4 août 2008 a introduit de nouvelles dispositions dans notre Code de commerce visant à diminuer les délais de paiement. L’impact de cette loi s’est révélé particulièrement positif. En effet, 70% des entreprises interrogées en 2009 ont constaté une réduction de leurs délais de paiement. Ainsi, en moyenne selon le rapport 2010 de l’Observatoire des délais de paiement, pour l’année 2009, le délai clients était de 52 jours de chiffre d’affaires, et le délai fournisseurs de 61 jours d’achats contre, respectivement, 54 et 64 jours en 2008. Ces réductions devraient être plus marquées encore, lorsque les accords dérogatoires sectoriels auront épuisé leurs effets au 1er janvier 2012. La directive 2011/7/UE du 16 février 2011 concernant la lutte contre le retard de paiement dans les transactions commerciales harmonisera utilement nos prescriptions avec celles de nos voisins européens. Si cette directive ne devra être transposée en droit français au plus tard qu’en 2013, il n’est pas trop tôt pour s’interroger sur son impact.

Les apports de la directive à la lutte contre le retard de paiement

Pour les transactions commerciales entre entreprises, la directive établit trois modalités de fixation du délai de paiement :
- un délai supplétif (donc applicable à défaut de stipulations contractuelles spécifiques) de 30 jours,
- un délai maximum courant de 60 jours,
- un délai dérogatoire pouvant excéder le délai de 60 jours précité, en cas de circonstances exceptionnelles, à condition de ne pas constituer un abus à l’égard du créancier.

En outre, le point de départ de calcul du délai de paiement devra être modifié : la directive dispose que le délai de paiement se calcule à partir de la réception de la facture, et non à compter de son émission, comme notre Code de commerce le prescrit.
Le caractère automatique des intérêts pour retard de paiement, qui n’ont pas à être exigés par le créancier est identique dans les deux textes. Ceux-ci peuvent aussi être facturés, sans notification préalable. La directive prévoit la possibilité de réclamer au débiteur défaillant le montant des frais de recouvrement, d’un montant minimum de 40 euros. Mais elle énonce, de façon plus générale, que tous les frais de recouvrement raisonnables peuvent être réclamés au débiteur, en sus des intérêts de retard.
Le taux d’intérêt fixé par la directive est moins sévère que celui prévu par la LME. Le taux de référence est identique, il s’agit du taux d’intérêt appliqué par la BCE (Banque centrale européenne) à ses opérations principales de refinancement les plus récentes, d’un côté majoré de 8 points de pourcentage, et de l’autre de 10 points.

La nécessité de rendre la LME euro-compatible

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La directive 2011/7/UE fixe une obligation de transposition en droit interne au plus tard au 16 mars 2013. Le législateur français dispose donc d’environ deux ans pour mettre en conformité la LME avec la législation européenne sur les points principaux précités. Compte tenu de la qualité de notre législation en la matière, il ne devrait simplement s’agir que de « retouches ».

Pour nos entreprises, l’intérêt majeur réside dans l’harmonisation des règles impératives sur les délais de paiement. La rigueur de notre législation ne portera ainsi plus préjudice aux entreprises françaises dans le cadre des relations qu’elles entretiennent avec des sociétés domiciliées dans d’autres Etats membres de l’Union Européenne. Le désavantage concurrentiel résultant de l’interdiction de proposer des conditions de règlement supérieures à 60 jours disparaît enfin, et avec lui toutes les questions complexes d’application de la LME à la sphère internationale. Ces questions, qui ont beaucoup occupé les juristes ces trois dernières années, n’étaient pas propices à la sérénité et la sécurité que les acteurs économiques sont en droit d’attendre des pouvoirs publics. Il faut donc se réjouir que l’Union Européenne se soit saisie de cette nécessaire harmonisation.


Jérôme Wallaert