Le progrès nous donne bien des occasions de disjoncter !


Economie


3 mai 2018

Loin de nous l’idée de prétendre que "c’était mieux avant". Dans des tas de domaines, comme la santé ou le confort de vie, c’est évidemment faux, et l’on perdrait beaucoup à échanger notre quotidien d’aujourd’hui avec celui de nos grands parents qui, les pauvres, n’avaient même pas de téléphone portable... Quand même, il y avait autrefois un certain charme à parler avec des vrais gens. Bien sûr, la postière à qui vous demandiez un imprimé de lettre AR n’était pas forcément de bonne humeur. Et il pouvait arriver que, derrière son hygiaphone, le préposé qui vendait les billets de train ait parfois l’air d’un bouledogue. Mais c’est parce que vous tombiez mal, le mauvais jour, à la mauvaise heure...
Aujourd’hui le poinçonneur des Lilas (changez à Opéra) a disparu et l’on composte à sa place. On se débrouille aussi comme on peut avec les déclarations en ligne sur impot.gouv.fr et devant les DAB de la banque. Bref, on n’a plus à craindre d’être mal reçu parce qu’on n’est plus reçu du tout...
Petite expérience vécue : une entreprise élague les arbres du voisin et, boom, une branche arrache dans sa chute la ligne électrique. Vous voilà dans le noir. À partir de ce moment précis, débute un vrai parcours du combattant pour retrouver la lumière.
D’abord, bon courage pour trouver le numéro de dépannage sur internet, noyé parmi des pages et des pages de publicité pour des fournisseurs d’énergie... Vous finissez par le repérer, bravo. Mais vous n’êtes pas au bout de vos peines. Vous voilà en conversation avec un robot. Schématiquement, cela donne ceci : "Tapez 1", puis "tapez 2", puis tapez le numéro client ("tapez 4" pour interrompre et aller chercher votre facture, c’est marqué en haut à gauche). Ensuite c’est très simple : "tapez 3" pour confirmer, "tapez 4" pour dire que vous avez bien compris, "tapez 6" avant de taper le numéro client en levant la main droite et en disant "je le jure". Puis certifiez en tapant 8 que vous acceptez que tout ce que vous avez tapé pourra être retenu contre vous.
Arrivé à ce stade, vous aurez un préposé en chair et en os à l’appareil. Il ne vous demandera plus que le code postal de la commune de l’incident, si vous êtes sûr que la ligne est vraiment arrachée, que ce n’est pas seulement le disjoncteur qui aurait disjoncté. Enfin, il annoncera la visite des dépanneurs, mais il vous faudra être présent sur les lieux entre 8 heures et 18 heures - ça tombe bien, vous n’avez rien d’autre à faire un jour en semaine - parce qu’il n’est pas en moyen de fixer un rendez-vous plus précis.
Si mon fournisseur d’énergie n’est pas content de cet édito, je l’invite à "taper 2", puis son mot de passe, puis la raison de son appel, puis son identifiant... Et en attendant, je file acheter des bougies...


Jean-Michel Chevalier