Rupture Conventionnelle Collective : précisions de l’administration du travail


Paroles d’expert


5 juin 2018

Le Ministère du Travail a publié sur son site le 19 avril dernier une série de Questions-Réponses sur le nouveau dispositif de rupture conventionnelle collective (RCC) issu de l’une des ordonnances Macron du 22 septembre 2017. L’administration y apporte de nombreux éclaircissements sur le cadre d’application et la mise en œuvre de la RCC permettant ainsi de mieux cerner les contours de ce nouvel outil de flexibilité à la française. Elle répond notamment à des questions relatives à l’usage de la RCC, à l’articulation avec les dispositifs antérieurs, au contenu d’un accord RCC et au rôle des différents acteurs sociaux.

Par Marion LE ROUX, Avocat Associé, CAPSTAN Avocats

Champ d’application de la RCC

L’article L 1237-19 du Code du travail prévoit qu’"un accord collectif peut déterminer le contenu d’une rupture conventionnelle collective excluant tout licenciement pour atteindre les objectifs qui lui sont fixés en termes de suppression d’emplois". La RCC a ainsi pour vocation d’encadrer des départs volontaires par accord collectif, exclusifs du licenciement ou de la démission.
L’administration rappelle que la RCC est déconnectée de la procédure de licenciement économique et n’a donc pas à être justifiée par un motif économique. Le ministère en tire plusieurs conséquences : le nombre de départs volontaires peut être supérieur au nombre de suppressions d’emploi envisagées, les emplois non supprimés devenus vacants peuvent donner lieu à des recrutements et il n’y a pas de priorité de "réembauchage" pour le salarié qui quitte l’entreprise dans le cadre d’une RCC.
Si l’administration reconnait que la RCC est proche du dispositif de plan de départs volontaires autonomes (PDVA), elle entend clairement établir la distinction entre RCC et PDVA. La RCC doit être mise en place par accord collectif alors qu’un PDVA peut être mis en place par accord collectif ou par document unilatéral. La RCC est possible quel que soit le nombre de départs envisagés pour toutes les entreprises quelle que soit leur taille alors que le PDVA obéit à une logique de seuils. Enfin, l’employeur qui recourt au PDVA doit démontrer l’existence d’un motif économique, ce qui n’est pas le cas de la RCC.

Sort des dispositifs antérieurs

La RCC ne se substitue pas aux dispositifs antérieurs. D’après le ministère, l’employeur peut toujours opter pour un PDVA par accord négocié ou document unilatéral ou encore un PSE "mixte" avec une phase préalable de volontariat.
D’ailleurs, l’employeur peut parfaitement en cours de négociation d’une RCC décider de mettre en œuvre un PDVA, sous réserve de reprendre la procédure PSE dès le début. De même, un accord PDVA pourra finalement aboutir à un accord RCC.
En revanche, il est impossible de mettre en œuvre simultanément un accord RCC et un PSE dans le cadre d’un même projet de restructuration et de compression d’effectifs. L’administration précise également que la RCC ne doit pas être proposée en cas de difficultés économiques menant inévitablement à une fermeture de site.

Contenu de l’accord RCC

Outre les clauses légales obligatoires, le ministère précise que l’accord collectif d’entreprise portant RCC doit expressément mentionner que le dispositif exclut tout licenciement pour atteindre l’objectif fixé de suppression d’emplois. De même, l’employeur doit faire figurer dans l’accord son engagement du maintien de l’emploi pendant toute la durée d’application de la RCC prévue à l’accord.
Selon l’administration, l’accord RCC peut définir les types d’activités et de postes concernés et réserver ainsi à certaines catégories de salariés la possibilité de départ dans le cadre de la RCC. Il faut rappeler que de telles clauses ne sont licites que si le principe d’égalité de traitement est respecté et si des critères objectifs d’éligibilité ont été préalablement définis.
S’agissant des salariés âgés, le ministère préconise d’être particulièrement vigilant pour éviter toute discrimination liée à l’âge. Le volontariat au départ des seniors doit leur permettre soit comme tout autre salarié de réaliser un projet professionnel réel soit de liquider leur retraite immédiatement ou de façon différée grâce à un portage financier couvert par l’entreprise.

Rôle du CSE dans la procédure RCC

La loi prévoit que dans les entreprises de plus de 11 salariés, l’accord RCC doit mentionner les modalités et conditions d’information du CSE. Le CSE doit donc uniquement être informé sur l’accord RCC. Sur le moment de l’information, l’administration précise que les signataires de l’accord peuvent choisir de n’informer le CSE que postérieurement à la signature de l’accord. À l’instar du droit commun des accords collectifs, il n’y a donc pas de consultation obligatoire sur l’accord RCC. Selon l’administration, l’employeur peut néanmoins décider de consulter le CSE.
Le ministère rappelle que le suivi de la mise en œuvre de l’accord RCC doit quant à lui faire l’objet d’une consultation régulière et détaillée du CSE.

Contrôle de l’accord RCC par la DIRECCTE

L’administration rappelle la procédure de validation de l’accord par la DIRECCTE et les pièces à fournir par voie dématérialisée. Elle précise que l’accord RCC ne bénéficie pas d’une présomption de validité. Le ministère souligne que l’engagement du maintien de l’emploi constitue un point de vérification obligatoire de la DIRECCTE.
La DIRECCTE s’assure en outre que les mesures de l’accord sont conformes aux exigences légales pour assurer le reclassement externe des salariés. Selon le ministère, les mesures d’accompagnement doivent être d’autant plus significatives que les projets de départ ne sont pas finalisés et l’employeur doit tenir compte du profil des salariés. Ainsi, les salariés les plus fragiles et les moins employables, notamment les seniors, font l’objet d’une attention particulière de la DIRECCTE. Un accord RCC ne sera pas validé s’il comporte le versement d’indemnités de départ visant exclusivement des salariés sélectionnées sur le critère de l’âge ou de l’ancienneté.
Le ministère précise que la DIRECCTE veille par ailleurs à ce qu’il y ait un équilibre entre les mesures indemnitaires et les mesures d’accompagnement et de reclassement interne, afin que le coût de ces ruptures ne repose pas sur la collectivité.

Au regard de l’ensemble des précisions apportées par l’administration, une question d’importance reste en suspens. Ce nouvel outil de restructuration "à froid" va-t-il permettre à terme d’éviter ou de limiter le recours au PSE ? Seule la pratique pourra permettre d’y répondre.


Maître Marion ROUX Avocat au Barreau de Grasse