L’interprofessionnalité avocat/expert-comptable pour accompagner les TPE/PME de négoce dans leur transition numérique


Paroles d’expert


24 juillet 2018

À l’heure où le gouvernement, sous l’impulsion de son Secrétaire d’État au Numérique Mounir Mahjoubi, prévoit de mettre en ligne une plateforme d’accompagnement pour aider les TPE/PME à réussir leur transition numérique, les chefs d’entreprise ont plus que jamais besoin d’un accompagnement pluridisciplinaire afin d’appréhender un canal e-commerce riche en opportunités, mais dont le cadre réglementaire peut s’avérer complexe.

Par Thomas BOAGLIO, Expert-comptable mémorialiste, Vice-président national de l’ANECS

Le e-commerce en France en quelques chiffres(1) c’est :
- Un chiffre d’affaires de 81,7 milliards d’euros en 2017 (+14,3% par rapport à 2016).
- 37,5 millions de consommateurs qui achètent en ligne soit 85% des internautes.
- 65% des sites e-commerce détenus par des TPE/PME sont rentables.
Via une collaboration interprofessionnelle, l’avocat et l’expert-comptable peuvent se révéler être les partenaires privilégiés pour accompagner les TPE/PME dans leur digitalisation, et ainsi leur permettre de conquérir de nouveaux marchés, parfois en dehors des frontières. Afin d’illustrer ces propos nous allons prendre en exemples deux points de vigilance où l’intervention de ces deux professionnels est essentielle.

Organiser un système d’information fiable avec son expert-comptable

Étendre sa zone de chalandise au-delà des frontières n’est pas sans conséquence en termes de fiscalité, en effet les ventes de biens à distance sont soumises à un régime spécifique lorsqu’elles sont réalisées à destination de particuliers résidant dans un pays membre de l’Union
Européenne. Ces ventes effectuées sont en principe soumises à la TVA française mais lorsque le chiffre d’affaires réalisé dans un état membre atteint un certain seuil, le vendeur français doit s’identifier dans cet état, et facturer la TVA en vigueur dans l’État de destination puis la collecter et la reverser dans cet État.

À titre d’exemple, le seuil applicable pour l’Allemagne et les Pays-Bas est de 100 000 € HT contre 35 000 € HT pour la plupart des autres pays de l’UE
(Belgique, Espagne, Grèce, Italie, Portugal…). En revanche si l’acquéreur du bien est identifié et redevable de la TVA dans son pays, la vente devient une livraison intracommunautaire et sera donc exonérée de TVA. Dès lors la facture devra comporter la mention "exonération Art 262 ter du CGI". L’expert-comptable aura donc un rôle prépondérant dans l’accompagnement de la TPE/PME dans le développement de sa boutique numérique et devra collaborer avec le développeur du site internet pour que le SI puisse ventiler correctement les ventes selon leur nature (bien ou service), leur destination, ainsi que le type de relation (B to B ou B to C). Ceci afin de garantir la fiabilité des flux d’informations comptables et ainsi sécuriser l’entreprise vis-à-vis de la fiscalité applicable. Un SI parfaitement paramétré par un expert-comptable permettra à la fois de superviser les éventuels dépassements de seuil de chiffre d’affaires réalisés dans les différents pays de l’UE afin de pouvoir agir en conséquence, mais aussi de fiabiliser les déclarations de TVA et automatiser les déclarations d’échanges de bien auprès de la douane.

Sécuriser ses relations contractuelles avec son avocat

Les conditions générales de ventes (CGV) sont obligatoires pour toutes plateformes e-commerce et constituent le contrat encadrant la vente de biens entre le professionnel et le consommateur. Si dans la plupart des cas elles ne sont jamais lues, elles sont pour autant d’une importance cruciale. Elles doivent fournir les informations au consommateur comme l’identification du vendeur, les caractéristiques des biens vendus, les délais de livraisons ou encore les conditions et modalités d’exercice du droit de rétractation du consommateur (C. cons., art. L 111-1 et L 221-5 et s.). Elles encadrent également les conditions et modalités de vente. En effet, le site doit proposer au consommateur les différentes étapes du processus de commande de bien comme la saisie de la commande, son récapitulatif afin de permettre une vérification et la correction d’erreurs éventuelles, ainsi que la confirmation de la commande comportant la mention claire et lisible selon laquelle celle-ci est effectuée "avec obligation de paiement" et matérialisant de manière définitive, l’acceptation et l’achat du consommateur (C. civ., art. 1127-1 et 2 ; C. cons., art. L 221-14).
De ce fait les CGV assurent le respect des obligations légales du code de la consommation, Il est donc proscrit de copier/coller les CGV d’un concurrent. En effet leur rédaction doit être adaptée à chaque professionnel, en fonction de leurs activités et du type de site mis en place. L’intervention d’un avocat est donc indispensable pour les rédiger et éviter des sanctions en cas de litiges.

De l’interprofessionnalité à la pluriprofessionnalité

Le tsunami du canal e-commerce met en évidence, à travers ces deux exemples non exhaustifs, l’indispensable complémentarité que peuvent avoir l’avocat et l’expert-comptable au service d’une clientèle commune. Cette complémentarité de services ouvre donc pour ces deux professions réglementées des perspectives de rapprochements. De là à imaginer la création d’un "guichet unique" pour leur clientèle, il n’y a qu’un pas. En effet depuis la parution du décret d’application de l’ordonnance n°2016-394 du 31 mars 2016, ces deux professions réglementées ont la possibilité de créer et d’exercer leur profession au sein de structures communes appelées S.P.E (société pluriprofessionnelle d’exercice).
À ce jour une douzaine de S.P.E sont inscrites auprès des Ordres de ces deux professions.
Tout porte à penser que ce nombre évoluera à l’avenir via le développement de ces sociétés de services innovantes pouvant répondre sur mesure aux besoins des TPE/PME, et ainsi leur proposer des missions d’accompagnement "full service" et de conseil à forte valeur ajoutée.


Thomas BOAGLIO Expert-comptable mémorialiste (...)