Parfois, mieux vaut être mort qu’à poil...


Economie


8 novembre 2018

C’est l’honneur du journalisme de dire ce qui ne va pas, lorsque cela ne va pas.
D’alerter, quitte à heurter les sensibilités et même à choquer. Dans son édition du 26 octobre dernier, le New York Times a choisi de placer sur sa Une le drame du Yémen en le symbolisant par la photo d’un enfant de sept ans, décharné et mourant de faim, conséquence de la lutte armée entre des rebelles armés par l’Iran et une coalition militaire conduite par l’Arabie saoudite.
Une image terrible, qui rappelle celles de chaque famine, sauf que celle-ci n’est pas provoquée par le climat mais par la folie des hommes. Un cliché rappelant aussi ceux pris à la fin de la seconde guerre, au moment de la libération des camps, et qui résonne donc dans notre inconscient collectif.
Bien sûr, cette publication a provoqué des réactions parmi les lecteurs du grand quotidien américain. Ce n’est pas le genre de photo que l’on aime voir lorsque l’on mange dans un restaurant de Manhattan un
Big quelque chose assorti d’un café bio et "équitable". Le journal assume cependant de montrer le monde tel qu’il est à un moment donné.
Tel n’est pas le cas de Facebook, prompt à censurer la photo d’une paire de seins, mais qui laisse passer sans sourciller des propos haineux et racistes. Qui, au nom de la sacro-sainte liberté d’expression, publie les théories les plus fumeuses et nauséabondes...
Rassurez-vous : le réseau dit "social" a derechef supprimé la photo de l’enfant yéménite. Non pas parce qu’il est en train de mourir - un "détail" qui ne retient pas l’attention du géant à cervelle d’oiseau - mais parce qu’il est nu sur son lit d’agonie, et que la nudité chez Facebook, c’est interdit par le règlement, et le règlement, c’est le règlement !
Cachez ce sein que je ne saurai voir...
Tout penaud, Mark Zuckerberg est pourtant venu dire devant le Sénat américain que les pratiques de sa société allaient changer depuis son implication dans la manipulation des dernières élections présidentielles U.S.

De bonnes résolutions dont on attend toujours une traduction dans les faits.

Finalement, le choc provoqué par le New York Times s’est produit. Il s’est trouvé des milliers de personnes pour condamner l’attitude de Facebook sur cette "affaire" du Yémen. Sous la pression, la puissante firme digitale a fini par rétablir la photo.

Et demain, si les garde-frontières américains tirent sur les migrants tentant d’entrer aux U.S comme Donald Trump semble le suggérer, Facebook en publiera t-elle des clichés ou épargnera t-elle la pause déjeuner des "amis" du réseau ? Sans doute sont t-ils dénués de tout, et même de leur dignité. Mais le principal pour FB, c’est qu’ils ne soient à poil, au sens premier du terme, le reste est bien moins important...


Jean-Michel Chevalier