Et voici arrivée l’heure de l’addition...


Economie


13 décembre 2018

Garçon, l’addition !
Comme des convives qui se seraient bien régalés - et largement au dessus de leurs moyens pendant plus de quarante années aux frais de la princesse - les Français voient arriver avec une certaine inquiétude l’heure de la note.
Sans surprise, elle est salée, annonciatrice d’une digestion longue et difficile. Les aigreurs n’ont d’ailleurs pas attendu l’heure du limoncello pour se manifester. Affublés de leurs tuniques citron, ceux qui "ne sont rien", les "sans dents" et autres personnes se reconnaissant dans les aimables anathèmes qui leur furent attribués "d’en haut", ont commencé à renverser la table. Samedi 2 décembre, on est passé à Paris à deux doigts de la catastrophe, avec une police débordée, arrivée à bout de ses munitions (non létales) de maintien de l’ordre. Samedi dernier, ce fut "un peu mieux", mais à l’heure de l’extinction des feux, le Premier ministre s’est quand même cru obligé de se tenir ostensiblement à côté de Christophe Castaner, poids lourd de la Macronie, à peine installé à Beauvau et déjà fragilisé.
On ne peut s’empêcher de penser que le charivari n’aurait pas pris une telle ampleur si nos gouvernants n’avaient fait preuve d’autant de morgue et de rigidité. S’ils avaient pris le temps d’écouter cette base qui souffre, qui survit avec 800 euros et quelquefois moins, et pour qui la hausse de la CSG, celle du gasoil et autres mesures (l’inutile 80 km/h qui a braqué 25 millions de ruraux) ont été ressenties comme vexatoires et stigmatisantes.
Les vrais gilets jaunes sont trop éloignés du "ruissellement", théorie fumeuse et fausse, qui a contribué à rendre les très riches encore plus riches, creusant un fossé trop visible, trop insupportable dans notre vieux pays où l’égalité est une vertu cardinale.
Oui, revoir l’ISF-IFI, oui indexer les retraites sur l’inflation, oui rendre les 5€ d’APL aux plus pauvres et aux étudiants paraissent des revendications d’autant plus justes aux manifestants qu’il ne s’agit même pas d’un "progrès" mais d’un simple statu-quo, identique à la période de Hollande.
La tâche du docteur Macron ne sera pas facile. Son pays est en colère, prêt à en appeler à un Robespierre. La crise a mis les vrais gilets jaunes au second plan derrière les casseurs, mais ils sont toujours là, et les mesures annoncées lundi par le Président arrivent tard. Seront-elles suffisantes pour rassembler les troupes, éparpillées depuis l’élection de 2017 ? Pour l’économie - et le commerce en décembre - pour le social, pour la cohésion nationale, on est déjà dans le rouge.

Garçon, l’addition...
"La maison n’accepte pas l’échec" répond celui- ci.


Jean-Michel Chevalier