L’évaluation immobilière source de contrôle fiscal


Paroles d’expert


31 janvier 2019

L’enquête Histoire de vie et Patrimoine 2017-18 de l’INSEE laisse apparaître que depuis 1998, le patrimoine des Français a doublé, porté notamment par la forte valorisation de l’immobilier. De fait, l’immobilier est très présent dans le patrimoine des contribuables français et il fait l’objet d’une attention particulière par l’administration fiscale, notamment au regard de son évaluation.
En effet, l’assiette des impositions étant, pour la majorité des cas, la valeur du patrimoine immobilier déclarée par la contribuable lui-même, il est fréquent que cette valeur soit remise en cause par l’administration fiscale.

Par Me Julien ALQUIER, Avocat en droit fiscal au Barreau de Nice, chargé d’enseignement à l’Université Nice-Sophia Antipolis, , Doctorant - laboratoire CERDP (E.A n°120)

Certaines situations, comme dans le cadre d’une succession, ne permettent pas obligatoirement au contribuable d’apprécier correctement la valeur de son bien sans faire appel à un expert, ce qui implique un coût parfois non négligeable.
Afin de prévenir notamment un redressement en matière de droit de mutation dans le cadre d’une donation ou d’une succession, il est utile de s’intéresser aux méthodes utilisées par l’administration fiscale pour analyser et remettre en cause l’évaluation des biens immobiliers.

L’évaluation significative par comparaison

Sauf certaines exceptions dans lesquelles le législateur prévoit 
l’appréciation de la valeur des biens, c’est la valeur vénale réelle des biens transmis, au jour de la mutation, qui sert de base au calcul des droits d’enregistrement. En l’absence de définition légale, l’administration fiscale considère que cette valeur correspond "au prix que le jeu normal de l’offre et de la demande permettrait de retirer de la vente du bien, abstraction faite de toute valeur de convenance".
Pour l’évaluation d’un bien immobilier, la méthode la plus couramment utilisée par l’administration fiscale est la méthode de détermination par comparaison qui consiste à se référer aux prix constatés dans des transactions afférentes à un nombre suffisant d’immeubles similaires. Cette méthode comprend trois phases que sont la recherche des ventes de biens de même nature, la sélection des termes de références significatifs et l’analyse des prix déclarés.
Si cette méthode semble la plus fiable au regard de sa référence au marché immobilier local, encore faut-il que ledit marché soit suffisamment actif pour permettre de dégager une valeur moyenne pour un type de bien.
Dans le cas où cette méthode s’avère délicate en raison du manque de références, d’autres méthodes peuvent être utilisées à titre subsidiaire, comme l’évaluation par le revenu pour les immeubles de rapport.

La méthode restreinte d’évaluation par le revenu

Elle consiste, selon l’administration fiscale, "à déterminer la valeur vénale d’un bien en appliquant au revenu qu’il procure à son propriétaire un coefficient de capitalisation convenablement choisi".
L’application de cette méthode d’évaluation nécessite donc la connaissance du revenu de l’immeuble à évaluer ainsi que la recherche du taux de capitalisation adapté au type de cet immeuble.

Les limites de cette méthode sont assez évidentes car elle ne peut être employée que pour évaluer des biens loués et ne permettra par conséquent que d’obtenir la valeur d’un immeuble occupé. Il est à noter que cette méthode d’analyse de la part de l’administration fiscale est souvent rejetée comme arbitraire par les tribunaux car elle consiste à prendre en considération le critère réducteur du prix du loyer d’un bien immobilier auquel on applique un taux de capitalisation approprié pour évaluer le prix d’un bien.
Il existe également une troisième méthode répertoriée par l’administration fiscale qui consiste à effectuer l’évaluation d’un bien par les origines de propriétés.

L’évaluation conditionnée d’après la valeur antérieure

La méthode de l’évaluation par réajustement d’une valeur
antérieure consiste, pour déterminer la valeur vénale actuelle d’un immeuble, à appliquer au prix pratiqué à l’occasion d’une mutation antérieure d’un bien donné, un coefficient destiné à représenter l’évolution du marché des biens de même nature depuis la date de cette mutation.

Pour que cette méthode soit utilisée avec efficacité, il est nécessaire de remplir plusieurs conditions :
- D’une part, il faut que l’on ait pu relever, à diverses époques choisies comme époques de référence, un nombre suffisant de termes de comparaison susceptibles de faire ressortir une évolution des prix qui soit significative afin de déterminer un coefficient valable de réajustement ;

- D’autre part, il importe que l’immeuble à évaluer et les termes de comparaison retenus n’aient pas subi, depuis la vente d’origine, de transformations sensibles en ce qui concerne leurs caractéristiques physiques, juridiques ou économiques.
Par conséquent, cette méthode suppose un marché immobilier actif sans imposer que les termes de comparaison portent sur des immeubles d’une spécificité très proche de celle de l’immeuble à évaluer, mais il ne faut pas omettre de prendre en compte, le cas échéant, les modifications affectant la consistance ainsi que l’usage du bien, intervenues depuis la dernière mutation ou déclaration et susceptibles d’avoir une répercussion importante sur sa valeur. En revanche, les biens dont la situation locative, la constructibilité, la desserte par les transports en commun auraient été modifiées, devraient être systématiquement écartés.

C’est pourquoi, le prix de biens immobiliers déclaré dans un acte ancien peut être réévalué par application, par exemple, du coefficient d’évolution de
l’indice du coût de la construction qui constitue une référence fiable.
En outre, cette méthode n’est préconisée subsidiairement qu’à défaut de termes de comparaison suffisamment nombreux et probants pour la mise en œuvre de la méthode la plus crédible qu’est l’évaluation par comparaison.


Maître Julien ALQUIER