Que l’intelligence artificielle soit aussi... humaine


Economie


31 janvier 2019

À lire les statistiques de l’activité de nos juridictions à l’occasion de leurs rentrées solennelles, on comprend mieux pourquoi il était nécessaire et surtout urgent de procéder à une réforme de la Justice en France.
Car ce pilier régalien, qui assure à tous l’égalité et la démocratie, n’est hélas pas en très bon état...
La fin de l’année 2017 aura vu la nomination de nombreux magistrats à Nice. On pourrait s’en réjouir béatement si ces arrivées n’étaient aussi tardives. Elles ont en fait comblé de longs mois de vacances à des postes importants, dans les cabinets d’instruction notamment. Alors oui, ces arrivées sont très appréciées, mais il était temps !
À entendre les uns et les autres, on constate que Mme Belloubet n’a pas su convaincre du bien-fondé de sa réforme. Magistrats, Avocats, Huissiers, Notaires... tous y trouvent à redire. Parce qu’ils n’y trouvent pas leur compte, parce qu’ils n’ont pas été vraiment consultés, parce qu’ils ne sont pas d’accord avec une orientation davantage destinée à réaliser les économies pour gérer la pénurie qu’à apporter davantage de justice et donc de paix sociale.
Lorsque l’on introduit du changement, il y a forcément des stupeurs et parfois des tremblements. Mais cette fois, c’est une loi qui est passée en force, à l’encontre de la volonté des professionnels du Droit. Des gens habituellement discrets, mais qui sont bruyamment descendus dans la rue en robes noires pour crier leur colère.
Ils n’ont pas été entendus.
Certains n’ont vu dans ces manifestations que du corporatisme, que la défense de prés carrés, sans comprendre que derrière une modernisation évidemment nécessaire il y a aussi des dangers pour notre société et le vivre ensemble.
Les Barreaux de Nice et de Grasse ont relayé des inquiétudes partagées partout sur l’éloignement de l’institution et du justiciable. Éloignement physique, avec la fermeture de "petites" juridictions, éloignement humain avec une justice plus ou moins "prédictive" et "automatisée".
Sans doute peut-on faire confiance à l’intelligence artificielle pour améliorer et accélérer le fonctionnement général.
Mais on a peut-être oublié de faire confiance à l’intelligence... humaine, à sa finesse dans les nuances qu’aucun algorithme ne saurait égaler. Et cela, sans préjudice des changements de comportement que ces machines peuvent provoquer sans que nous en soyons conscients.
Il y a matière à philosopher. Et à s’inquiéter. "Sans aucun doute" diront les pessimistes. "Peut-être" diront les plus optimistes.


Jean-Michel Chevalier